« Eric, charcutier au « Cochon d’Or » depuis 17 ans » @Photo Martin Parr
Envie de changer un peu de destination et d’ambiance dans le Paris culturel ? Marre des impeccables expositions d’illustres artistes du XIXéme siècle, bien abritées derrière des immeubles haussmanniens ravalés, assez des propositions conceptuelles dans des hôtels particuliers du Marais, lisses et aseptisés ? Désireux d’un soupçon de sensations pimentées, vous avez en plus soif de dépaysement ?… Ne tournez plus en rond tel un papillon aveuglé par la Ville Lumière, et allez directement faire un tour à l’ICI, L’Institut des Cultures d’Islam situé aux numéros 19-23 de la rue Léon, dans la Goutte d’Or.
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L’institut des Cultures d’Islam (ICI), implanté depuis 2006 au cœur de la Goutte d’Or à Paris (18ème) est le lieu d’accueil, unique en son genre, des cultures que l’on dit « d’ailleurs » mais qui s’avèrent résolument « d’ICI ». Reflet d’un contexte laïque et moderne, l’Institut fait le choix d’une démarche populaire, vivante et ouverte, à travers une programmation décloisonnée, pluridisciplinaire et riche des cultures attachées à l’Islam.
La visibilité qui est donnée par l’ICI aux artistes, écrivains et intellectuels, concernés par ces cultures, prouve que l’Islam est une une source d’inspiration et de création pour tous.
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Martin Parr est un photographe britannique célèbre pour ses clichés acides, pris lors de scènes hystériques d’achats de packs de bière dans les supermarchés de Calais, ou encore pour son regard cruel porté sur la Gentry londonienne à l’occasion de primitives et ostentatoires Garden Parties. Il a posé entre les métros Barbes/Château Rouge/La Chapelle ses valises pour embrasser la mixité du quartier populaire, dans une série de clin d’œils malicieux. Pendant une résidence d’une semaine dans cette partie du 18ème arrondissement pas du tout glamour, mais si dense et si riche en surprises visuelles, il a su diriger son objectif avec une curiosité soft, sur la vie de cette Babel en miniature. Le photographe présente à l’ICI le fruit de son travail dans l’exposition « The Goutte d’Or ».
La densité de population y est presque trois fois plus concentrée qu’ailleurs dans Paris :
57 000 habitants au km² (contre 20 800 hab/km²). Si la Goutte d’Or était une ville, elle aurait la densité de population la plus concentrée du monde, devant Le Caire (40 249 hab/km²), Macao (17 800 hab/km²), Tokyo (13 500 hab/km²), mais aussi devant la Bande de Gaza (3 823 hab/km²). Source : CIA World Factbook millésime 2005
« Musulmans en prière : produits exotiques ? » ©Photo Martin Parr
La Goutte d’Or est un territoire chargé d’un sombre exotisme, une zone anti-touristique par excellence car auréolée d’une réputation inquiétante de Bronx métissé d’Islam fondamentaliste. Pendant son court séjour, Martin Parr a réalisé un reportage, une série photographique nuancée de curiosité et d’Humanisme, sans voyeurisme aucun, et qui prouve qu’il n’en est rien. Ce photographe sublimant la trivialité contemporaine a réussi a magnifier de simples habitants du quartier : des personnages emblématiques tels que Mohammed Hamza (le recteur de la mosquée Khalid Ibn El Walid, rue Myrha), la styliste Sakina M’sa, ou des commerçants célèbres comme Jocelyne – le gourou incontesté à Paris et à Brazzaville de la SAPE, Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes – et d’autres qu’on peut aussi rencontrer en faisant quelques courses. Glissant de moments intimes, fugaces et conviviaux à des scènes de foule comme la prière du vendredi, intervertissant les codes privés/public en passant de la rue à la mosquée, traversant des ateliers et des appartements privés, Martin Parr nous entraine dans « la I-cité »et nous montre comment ce quartier se reconstruit sans cesse. Il renvoie un reflet mouvant, humoristique et coloré de ce microcosme, pourtant « en déficit d’une image positive ». Le visiteur est balloté en permanence, entrainé par un courant dynamique et ambivalent, entre la pauvreté et le combat nécessaire pour une survie au quotidien, et le partage, l’espoir et la joie de vivre. Si le but de cette résidence d’artiste était de donner une meilleure visibilité du Paris multiculturel et populaire, l’exposition y répond assurément, tout en se jouant très bien des clichés de l’ethnIcité : I comme Islam, I comme Icare, i comme identités…
Le nom de « Goutte d’Or », quartier situé à deux pas du Sacré Cœur et de Montmartre, provient de la couleur du vin blanc que ses vignes produisaient autrefois.
C’est une Goutte d’Or solaire, loin des décors de polards et des faits divers, qui se dévoile sur les beaux tirages en grands formats et aux couleurs vives, simplement punaisés à même le mur. Ce choix assumé du détail, du portrait et de l’anecdote, comme inversement toutes les scènes qu’il a laissé dans l’ombre, témoignent de la retenue du point de vue – question de durée du reportage et de pudeur british sûrement – et nous renvoient au foisonnement du quartier, insaisissable dans sa totalité. Il donne envie d’en (re)découvrir les richesses et les saveurs, de trainer dans les épiceries arabes, de détailler les denrées inconnues sur les étals du marché Dejean et d’admirer les imprimés audacieux des Wax dans les magasins de tissus africains…
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« Je ne suis pas Français et par conséquent je ne lis pas les journaux français. Du coup, je pense que je suis arrivé sans complexe et sans idées préconçues sur le quartier en particulier. J’avais juste à l’esprit le fait encore une fois que, comme on était en France, ça allait être compliqué de photographier les gens, mais comme dans n’importe quel endroit français ! »
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Martin Parr porte ici un regard interrogateur, amusé mais volontairement positif et dédramatisé. Mais aussi quelle pudeur, quelle générosité dans l’accueil réservé par les habitants à cet intrus, ce voleur d’apparences !
Le photographe londonien, qui sait certainement installer une relation de confiance, apprivoiser ses modèles (à moins que la célébrité ne lui ai ouvert toutes les portes !) n’aurait peut-être pas trouvé autant de spontanéité et de disponibilité s’il s’était intéressé à une autre partie chic et hautement touristique du 18éme, comme Montmartre, Les Abbesses, à quelques pas, juste de l’autre côté du boulevard Barbes…
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« Vous savez, moi, je me contente de photographier
ce que je vois, c’est tout. Je ne le fais pas par
rapport à une histoire ou pour prouver quoi que ce
soit. Je redoute toujours la propagande. Dans ma
façon de faire, le lien est plus direct que ça. »X
La sélection des photographies de Martin Parr est exposée sur deux niveaux, dans une chorégraphie fluide. Arrêtez-vous aussi dans le hall devant le diaporama qui synthétise très bien son parcours artistique. Pour clore la visite, vous pourrez boire à la cafétéria ou dans l’ancienne cour de récréation transformée en une paisible cours intérieure orientale, un thé à la menthe ou goûter au Bissap (boisson revigorante à base de fleurs d’hibiscus) en dégustant de délicieux acras de morue relevés d’une pointe de piment ! L’entrée est libre, l’accueil chaleureux et l’exposition court jusqu’au 2 juillet… Bonne visite !!
A voir aussi :
– au rez-de-chaussée, une œuvre murale de François Morellet, don de l’artiste à l’ICI suite à son exposition dans les lieux, il y a quelques mois
– les plans et les vues en perspective du futur bâtiment de l’ICI, très Hi-Tech, avec ses moucharabiés métalliques qui font inévitablement penser à l’Institut du Monde Arabe de Jean Nouvel, et qui prendra le relais de cette ancienne crèche. Il sera située sur deux terrains distincts respectivement de 970m² et de 535m², situés au 55 de la rue Polonceau et au 56 de la rue Stephenson, trois cents mètres plus loin
– le Salon, ou Diwan orientaloccidental, de Hassan Hajjaj à l’étage
– sur la terrasse au même niveau, une installation collective réalisée par Mehdi Moutashar et Reza Abedini.
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The Goutte d’Or !
L’Institut des Cultures d’Islam invite Martin Parr
Exposition du 5 avril au 2 juillet 2011, entrée libre
Ouvert du mercredi au dimanche, de 15h à 20h et le samedi de 10h à 20h
Institut des Cultures d’Islam
19-23, rue Léon 75018 PARIS
M° Château Rouge • Barbès Rochechouart
Station Velib’ au 26, rue Léon
Informations : 01 53 09 99 80
www.institut-cultures-islam.org
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haha!! Que de souvenirs!! Je me souviens tres bien d’Eric le charcutier rue de la goutte d’or chez qui j’achetais de l’huile d’argan!!!
Superbe post!!!