Miroir des vanités (2)

Coco dans son environnement naturel – Photo Florent Hugoniot

En art, une vanité est une représentation allégorique de la fragilité de la vie humaine et de la fatuité de ce à quoi l’être humain s’attache durant celle-ci.

Les vanités sont un genre particulier de peinture, plus souvent des natures mortes, qui s’affirme au début du XVIIe siècle aux Pays-Bas. Dans les vanités, sont représentés des objets allégoriques fortement symboliques. Le plus emblématique de ces éléments est le crâne qui symbolise la mort. La bougie allumée, allégorie de la vie ou de la connaissance, le sablier, image du temps et les fleurs fanées, métaphore de la vieillesse, sont également des symboles peints par les artistes.

Photos Florent Hugoniot

J‘ai évoqué les natures mortes, ce type de peintures issu de l’art européen classique et du monde méditerranéen antique, qui ont formé mon catalogue visuel. Le terme se traduit en anglais par still life (toujours vivant) et en espagnol bodegón (qui vient de bodega, épicerie, cave à vin, réserve, entrepôt, magasin, etc., mais aussi soute à bagages dans l’avion). La divergence de sens dans l’usage de ces termes dans ces deux langues internationales est remarquable et nous renvoie à notre propre cadre culturel. Le français, bien qu’étant aussi une langue internationale, comporte pour autant ses propres référents sémantiques et symboliques, propres à sa culture. En effet, pourquoi pas « nature vivante » ou « nature révélée », plutôt que morte et figée ??

« Vanité » se traduit tout simplement par vanity en anglais et vanidad en espagnol.

Inconsciemment ou non, je me suis aussi inspiré des films d’Andreï Tarkovsky pour ces deux dernières publications : Le miroir, film de 1975, et d’autres de ses œuvres cinématographiques tel que Solaris dans sa première version adaptée au cinéma en 1972 par Tarkovsky, d’après le roman du russe Stanisław Lem (Солярис), bien avant celle réalisée par Steven Soderbergh en 2002, avec George Clooney ; ou encore le manifique Stalker de 1979, basé sur le roman « Roadside Picnic » d’Arkady et Boris Strugatsky. Les films de Tarkovsky sont composés comme des symphonies visuelles dans lesquelles de longs plans fixes ou en zoom rapproché nous amènent à une forme de révélation visuelle et sonore, étant accompagnés d’extraits de musique classique vibrants et emblématiques.

J‘ai pu visionner récemment ces trois œuvres magistrales – une expérience toujours intense mais toujours meilleure dans les conditions d’une salle de cinéma – en toute liberté sur Youtube, en VO russe sous-titré en anglais, avec une qualité tout à fait acceptable pour un écran d’ordinateur domestique. Je donnerai les hyperliens un peu plus bas.

Ils furent produits à l’époque de l’URSS par Mosfilm (en russe : Мосфильм), une société de production cinématographique fondée en 1920, après la nationalisation des moyens de production soviétiques. Jusqu’à la fin de URSS, Mosfilm a produit plus de 3000 films. Sa production comprend des œuvres allant des travaux des principaux réalisateurs soviétiques, comme Andréi Tarkovski ou Sergueï Eisenstein, aux « Westerns rouges » ; y compris des chefs-d’œuvre comme la coproduction d’Akira Kurosawa (Dersu Uzala) et l’épopée Guerre et Paix (Война и мир, Voïna i mir), une adaptation cinématographique soviétique du roman de Léon Tolstoï réalisée par Sergueï Bondartchouk, composée de quatre parties sorties entre 1966 et 1967. Avec un budget de 8 291 712 roubles soviétiques de 1967 (9 213 013 dollars), c’est le film le plus cher jamais réalisé en URSS.

Mais découvrons un peu qui était Tarkovsky et quels fruits il nous a laissé en héritage.

Premier plan du film « Le miroir », d’Andreï Tarkovsky (1972)

Hommage à Andreï Tarkovsky

Тарковский est un réalisateur, scénariste et écrivain soviétique né le 4 avril 1932 en Russie et mort le 29 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine en France. Considéré comme un des plus grands réalisateurs soviétiques, il a réalisé sept longs-métrages qui le placent parmi les maîtres du septième art. Son premier film, L’Enfance d’Ivan (1962), est vu comme le signe d’un renouveau du cinéma soviétique. Mais Tarkovski s’éloigne dès le film suivant, Andreï Roublev (1966), de toute considération politique prosoviétique, ce qui le fera se confronter à la censure avec ses quatre films suivants. Il choisit à la fin des années 1970 de quitter l’URSS pour réaliser ses deux derniers films à l’étranger, Nostalghia (1983) et Le Sacrifice (1986) car les organes soviétiques de cinéma ne lui permettent plus de financer ses films.

L’œuvre de Tarkovski convoque souvent un arrière-plan philosophique, historique, voire théologique, d’où la réputation de « cinéma intellectuel ». Pourtant, les lettres de spectateurs et de nombreux analystes, notamment Michel Chion, montrent que les films de Tarkovski frappent avant tout par leur caractère concret, de nombreux objets quotidiens imprégnant l’image. Michel Chion parle d’« hypersynesthésie » pour caractériser ces films.

Dans ce passage de son livre Le Temps scellé, Tarkovski commente sur un haïku où le concept d’image artistique se révèle aisément. En effet, Tarkovski argumente que, selon lui, l’image artistique prend vie sur des éléments concrets de la vie et que c’est sur cette base que l’artiste va alors transformer des situations banales en des phénomènes singuliers et inégalables. Tarkovski poursuit également en expliquant que même à travers des événements tout à fait anodins de la vie quotidienne, l’artiste à la possibilité de pouvoir les mettre en image tout en véhiculant la façon dont il/elle les ressent et les comprend. Tarkovski précise : « L’ampleur étonnante de l’expression artistique tient ici par la grâce de la fixation précise de la situation et de l’humeur ».

Tarkovski fait toujours preuve d’une extrême attention aux objets apparaissant dans ses films, dont la disposition est nourrie d’une connaissance précise de l’histoire de la peinture. Vus le plus souvent en détail, de nombreux plans les montrent aussi déplacés par une force invisible : vent, vibrations, soudaine apesanteur d’une station spatiale, justifiant la composition d’images qui peuvent rappeler le concept de « nature morte vivante » développé par l’artiste surréaliste espagnol Salvador Dali, et concrétisé avec Nature morte vivante, une huile sur toile réalisée par celui-ci en 1956.

Naturaleza muerta viviente (Naturaleza muerta moviéndose a gran velocidad) – Salvador Dali | Fundación Gala

Solaris – 1972

La mission Solaris a établi une base sur une planète qui semble abriter une sorte d’intelligence, mais les détails sont flous et très secrets. Après la disparition mystérieuse de l’un des trois scientifiques de la base, le personnage principal est envoyé pour le remplacer. Il trouve la station délabrée et les deux scientifiques restants froids et secrets. Quand il rencontre également sa femme qui est morte depuis dix ans, il commence à apprécier la nature déroutante de l’intelligence extraterrestre…

Le miroir – 1975

Le film « Le Miroir » représente des réflexions, des pensées de la personne nommée ici comme l’auteur. Il n’apparaît pas personnellement, seulement sa voix fatiguée. Et à l’écran, comme dans un miroir, sont des images de son passé. Dans un premier temps, les souvenirs semblent dispersés : amour pour la mère, que l’Auteur ne sait pas exprimer, sentiment perçant pour le père, insatisfaction envers lui-même pour la relation non développée avec son fils… Peu à peu, cela devient clair – c’est le récit de soi-même d’une personne, un jugement de conscience difficile, peut-être même une phrase. Le film occupe une place particulière dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski. Il y a capturé sa mère âgée Maria Ivanovna Vishnyakova-Tarkovsky, dans les coulisses de la voix de son père, le poète Arseny Tarkovsky, récitant ses merveilleux poèmes sons. C’est un film de confession, un film de révélation…

Stalker – 1979

Basé sur le roman Roadside Picnic d’Arkady et Boris Strugatsky. La Zone qui est née sur Terre pour des raisons inconnues attire l’attention avec des phénomènes inexplicables qui s’y produisent. Une rumeur s’est répandue selon laquelle au centre de la Zone, il y a quelque chose qui donne à une personne tout ce qu’elle veut. Mais rester dans la Zone est mortel, et donc strictement gardé. Là, chacun pour ses propres raisons, l’Écrivain et le Professeur s’en vont, le Harceleur les conduit au centre mystérieux, sentant et comprenant la Zone…

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SOURCES :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Andre%C3%AF_Tarkovski

Youtube

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1 Response to Miroir des vanités (2)

  1. Avatar de 1011art 1011art dit :

    Merci pour votre article. En partage, je vous propose de découvrir ma série de dessins de fleurs fanées en cours de réalisation : “Vanité”, dont le rapport du GIEC est à l’origine : https://1011-art.blogspot.com/p/vanite.html

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