
Revenir sur ses lieux familiers, c’est retrouver le souvenir de moments vécus là, de pensées formulées là et qui persistent en soi avec une pincée de nostalgie. Ces lieux un peu usés, toujours au présent mais déjà au passé permettent de se replier dans l’intimité de ses songes, la recherche de certaines sensations. Ils offrent dans leur présence évidente et revitalisée la possibilité de se retirer d’une linéarité pour laisser se dérouler des images, des émotions, une disposition particulière à la rêverie ; autre forme de routine, autre enchaînement d’idées.
Certainement on notera quelques changements extérieurs comme intérieurs, mais l’essentiel est toujours ici : odeurs, lumière, perspectives, détails emblématiques. Tandis que les résurgences d’autres époques nous envahissent, l’odorat et la vision sont émoustillés, provoquant suffisamment de clarté d’esprit pour avancer dans ses réflexions. Sur quelles ponctuations, quelles bases vont-elles s’articuler, cela dépend des étapes la vie de chacun.
D’anciennes blessures se rappellent à moi, sont-elles guéries ? Les cicatrices se sont-elles refermées au point de ne pas sentir cette amertume qui m’emportait loin. Loin des mes pas, de mes pieds qui retrouvent imperceptiblement leurs repères. Mes mains s’enhardissent à arracher les toupets des herbes sèches.
Les pensées s’envolent pendant que le regard plonge un peu partout : la qualité du revêtement de la route, ces troncs noirs et brisés, œuvre d’un incendie récent, un nouvel ensemble d’habitations, une couleur plus vive sur ces ferronneries art nouveau, la netteté matinale sur les collines et quelques brumes qui se dispersent, joli camaïeu de gris-bleu, la douceur inégalée du sable fin. Le corps reprend place dans l’espace, le mental retrouve son aplomb.
Comme si ces places de parkings vacants, ces plages vidées, cette douceur annonçant le désert de l’hiver laissaient un espace suffisant pour que les voiles de la mélancolie, les armes de la tristesse, les pointes de l’excitation chasseresse se déploient. Le paysage s’efface insensiblement comme un décor peint et laisse place à des actes de pensées. La nature humaine ayant horreur du vide, le drame existentiel peut se rejouer.
Oui, mes blessures d’enfance, mes détresses d’adolescent s’épanchent toujours un peu. Un fiel inquiet qui veut traverser la peau, entacher le ciel. Moins aigues, moins désordonnées et troublantes, elles s’organisent et se regroupent au pied de l’échelle des douleurs. Les pensées qui les accompagnent sont également plus tempérées, mieux maitrisées. Elles vont par ordre de petits régiments qui grimpent quelques marches, puis retombent dans d’intimes et labyrinthiques parcours.
Comment ai-je pu continuer à souffrir si intensément dans ce cadre languedocien posé, léger et toujours sensuel ? Peut-être parce que cette douceur de vivre m’était inaccessible, ou seulement par intermittence. Dans ces marges de la société humaine, sur les pages blanches des dunes, je déambule. La bonne surprise, c’est de me sentir entier, cohérent, presque totalement réconcilié avec moi-même dans ces lieux qui ont recupéré mon être désarticulé il y a 25 ans. Je marchais alors sur ce sable à moitié, je soupesais mal ces galets, je voyais toutes les maisons tronquées. Car ces objets devenaient rapidement des supports d’élucubrations, des prêt-à-penser pour mon sentiment de perte et d’abandon. Et finalement, je voyais les autres comme des objets : leur vie, leurs émotions ne m’intéressaient pas plus que cela, leurs univers m’étaient anecdotiques ; sauf pour quelques amitiés fusionnelles. J’étais indifférent voire méfiant au facteur humain, alors que les éléments ont toujours été mes complices. Trop inquiet de vivre ma vie intensément, je passais derrière l’essentiel, c’est à dire la profondeur que peuvent avoir certains rapports humains, l’interférence des trajectoires de nos vies. La Nature, celle non-humaine, me divertissait. Je pouvais m’abandonner au sentiment de plénitude qu’elle m’offrait.
La disparition de ma mère, la dépersonnalisation de mon père, les évitements et trahisons familiales, mes petites morts sans gloire, toujours agonisantes. Déjà le dogme freudien, Œdipe doit tuer le père ; la tradition judéo-chrétienne, aimer au-delà du néant sa mère et souffrir le martyre ; guerre des sexes, masculin et féminin éternels décortiqués avec un appétit insatiable.
Pourtant, aujourd’hui en longeant la côte de Carnon à Palavas, ces thèmes me sont moins pesants. L’aventure mexicaine a tourné beaucoup de pages, je me suis forgé de nouvelles stratégies de survie plus solides, plus adaptées à l’époque. J’ai accepté le décentrement. Un autre mythe s’est invité à la table des lamentations, celui du jumeau disparu, du double assassiné : Abel et Caïn, Remus et Romulus, frères ennemis, jumeaux célestes, des récits qui transpirent de sexualité, d’inceste aussi, mais cette fois-ci au sein d’une même génération. Ils nous parlent à leur manière de la maîtrise des pulsions guerrières, ce qui touche aussi au sexe dans son acceptation psychanalytique générale (la libido, les rôles sexuels, les perversions sadiennes, etc.) et aussi à certaines formes d’homosexualité.
Sans revenir sur ce thème qui me fut personnellement douloureux, comment ne pas penser aux Palestiniens et aux Israéliens, théoriquement frères sémites, qui sont perpétuellement en guerre depuis 1948 ? Comment ne pas être sidéré par ce retournement des choses, qui fait que de peuple opprimé quand les Juifs étaient des minorités disséminées dans le monde entier, les Israéliens passent pour un peuple oppresseur, malgré tant de dénégations de mauvaise foi dans les médias occidentaux qui invitent uniquement les Juifs sionistes en toute déférence. Ce ne sont pas deux populations ennemies qui s’entretuent en Palestine-Israël, mais une population d’expropriés, de réfugiés en grande majorité musulmans qui tente toujours d’exister, de survivre sur le propre sol de ses ancêtres.
Pourquoi se référer aux conflits d’antan, aux batailles de ses parents, quand les combats pour le droit de vivre ne font que se développer autour de nous ? Rome, comme tant d’autres civilisations, s’est fondée sur un meurtre symbolique, le sacrifice d’un frère, une amputation du moi. Une saignée pour renaître, connaître le goût du sang, évaluer ses nuances, du rouge vermillon lumineux au brun-écarlate des croûtes. Pour le tribut du sacrifice, en attente d’un divin retour, bienveillant et prospère. Moi, c’est mon père qui m’a tué smboliquement à petit feu pour pouvoir revivre.
La légende raconte également comment Romulus a tué Rémus. Près de l’embouchure du Tibre, il existait sept collines : les monts Aventin, Cælius, Capitole, Esquilin, Palatin, Quirinal et Viminal. Romulus et Rémus n’étaient pas d’accord sur l’endroit où devait se fonder la ville, ils décidèrent donc d’observer le vol des oiseaux à la manière étrusque. Romulus vit douze vautours survoler le Palatin et Rémus n’en aperçut que six depuis d’autres collines. Pour délimiter la nouvelle ville, Romulus traça une enceinte, creusée par une charrue au sommet du Mont Palatin et jura de tuer quiconque qui franchirait son enceinte. Rémus désobéit et pénétra à l’intérieur en se moquant de son frère, celui-ci, énervé, tua son frère et fut l’unique et premier roi de Rome. Cet événement aurait eu lieu en l’an 754 av. J.-C., selon la version de l’histoire officielle de la Rome antique. https://www.visitonsrome.com/legende-romulus-remus
Mes pensées divaguent et se coagulent. Les premiers froids de la fin octobre au Mexique annoncent la venue des âmes défuntes, la visite des ancêtres. Leurs conseils bienveillants au delà du Temps valent certainement ceux des vivants affairés, encore faut-il savoir leur tendre l’oreille.
Le frémissement de l’eau saumâtre des étangs me ramène sur le rivage. Qu’il est fluide et doux, cet air de Camargue ! Les écluses ne retiennent plus le courant, les cannes de Camargue qui ondulent accompagnent et saluent le mouvement du Rhône jusqu’au bord de ces bassins sans fin, d’Arles à Sète. Un air qui rend sa légèreté à l’être, une lumière qui affirme notre présence solaire, comme un nettoyage de l’âme tant retardé. Le goût du sel entre les lèvres… J’imagine ces évadées de Judée, qui selon les Gitans débarquèrent avec leur servante noire Sara, quelque part sur une des plages autour des Saintes Maries de la Mer.
Ces saintes Maries, ce sont les amies du Christ, ces saintes femmes qui le suivaient, au long des chemins de Palestine, alors qu’il allait, annonçant « la bonne nouvelle ». Les Trois Maries : Marie-Jacobé, sœur de la Vierge ; Marie-Salomé, mère de Jacques et Jean, les apôtres au cœur ardent et Marie de Magdala, la Madeleine, sœur de Marthe et Lazare, celle que Jésus avait guérie de ses péchés et qui, fidèle, jusqu’au bout l’accompagna de son amour. Avec elles, Marthe, la bonne maîtresse de maison, et Sara, la servante au brun visage.
Filloux, H. – Au cœur de la Provence
Une corbeille maritime, un groupe de demi-déesses, mi Athéna mi Aphrodite, s’est déversé sur le rivage languedocien. Des femmes que les épreuves de la traversée a fait renaître.
Feu gitan, feu de la Liberté et de la Passion. Immanence du reflet du soleil sur l’horizon. Chaleur en sympathie avec l’humidité, la stabilité humaine. Mon espace intime est porté, magnifié par les immensités. Ma peau peut sentir sans filtre, se piquer vraiment, totalement d’un chardon, et enfouir cette unique brûlure dans le sable frais. Un apaisement qui aura mis bien du temps à fleurir.

Peut-être que le mal qui ronge nos sociétés vient moins de nos ancêtres prédateurs que de nos contemporains dominants, une hyper-masculinité qui masque mal ses failles et ses faiblesses. Tuer pour exister. Macron et ses clones déshumanisés peuplent la start-up-nation, cette nation devenue un peu floue. Une nation qui accorde une citoyenneté premium à ceux et celles qui répondent aux critères de réussite financière, la fin justifiant les moyens. La Gold carte d’identité permet pour les heureux gagnants de la course de chevaux d’avoir une forme d’immunité judiciaire et des passe-droits. Le Silver pass donne le droit de jouir d’un minimum de confort moderne, mais pas de remettre en question les règles du monde marchand. Une attitude que le Christ qui trône dans nos lieux sacrés, églises et musées, n’avait pourtant pas valorisée, pas plus que ses disciples et fidèles. La déchristianisation de la France ne semble pas avoir préparé à un mieux être. Ce n’est pas Buddha mais le Baal dévorant ses enfants qui prend la place inoccupée.
Trop de papillons pris dans les feux de la société du spectacle. Briller aux yeux des autres, c’est ce que nous enjoint constamment le sur-consumérisme. Le groupe Hermès a encore fait cette année 17% en plus de chiffres d’affaire, certainement la même tendance pour toute l’industrie du luxe français aux mouvements financiers globalisés. Qui achète et fait tourner le bizness, hormis quelques beautifull people ? La petite bourgeoisie au teint clair tout comme les minorités ethniques, religieuses, sexuelles très bien intégrées dans le consumérisme comme unique horizon fédérateur. Black blanc beur, ils, elles, nous ou ielles (elils ?), tout le monde défile comme des stars, des modèles ultra glamour dans les centres commerciaux tout en reflets sur dalles polies, vitrines et miroirs, tous ces lieux destinés à la grande parade du retour au stade anal : consommer avec l’illusion du choix puis jeter, manger-déféquer ; consumer sans faire de fumée. Les « confinements » ont particulièrement aidé à cette précipitation scatologique. Les dégâts psychologiques, la satisfaction obsessionnelle de petits plaisirs comblant des manques abyssaux, le repli sur soi sont toujours bien présents en France. Faire le gros dos en attendant la prochaine vague, une manière d’érotiser ses peurs et frustrations ? Une partie du monde a vite vieilli, dont ce pays frileux, surtout pendant les coups de chauffe…
Pourtant, les humains sont naturellement devenus mes frères et mes soeurs de sang, le besoin de fraternité est devenu trop intense pour y résister.
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C’est bientôt Halloween, la Toussaint, le changement d’horaire d’été à celui d’hiver. Il fait soleil, les corps tombent sur le sable et s’alanguissent : cette journée est une invitation à l’amour, à l’oubli.

Florent Hugoniot
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POURQUOI LES GENS NE GUÉRISSENT PAS ?
« Parce que la guérison est très désagréable !
Les obstacles à la guérison comprennent le fait d’abandonner de vivre dans le passé, de cesser d’être une victime et la peur du changement. Diriger notre pensée et notre énergie sur notre passé se fait au détriment de nos cellules et de nos organes qui ont besoin d’énergie pour fonctionner et guérir.
La guérison exige de vivre dans le présent et de récupérer l’énergie piégée dans nos traumatismes et dans nos blessures.
La seule raison de nourrir et de garder le passé vivant, c’est l’amertume de ce qui s’est passé.
Refuser de pardonner à un évènement ou à une personne du passé produit des fuites d’énergie. Le pardon guérit les fuites. Le pardon n’a rien à voir avec le fait de ne pas responsabiliser les autres pour les blessures qu’ils ont causées.
Quand nous arrivons à voir un évènement douloureux de notre vie comme un message ou un défi plutôt que comme une trahison personnelle, l’énergie de vie liée à cet évènement reflue vers les circuits énergétiques de notre corps physique.
Les gens ne guérissent pas parce qu’ils ne se sont pas libérés de l’illusion d’être une victime. La guérison exige souvent des changements de mode de vie, d’environnement et de relations.
En cela, le changement peut être effrayant ! Il est facile de rester dans un circuit d’attente, en affirmant que l’on ne sait pas quoi faire, alors que c’est rarement vrai. En fait, lorsque nous restons dans un circuit d’attente et que nous savons exactement ce qu’il faut faire, c’est que nous sommes terrifiés par le fait d’agir en conséquence.
Le changement est effrayant, et le temps d’attente donne un sentiment de sécurité, alors que la seule façon d’acquérir véritablement ce sentiment de sécurité est d’entrer dans le tourbillon des changements et de se sentir vivant à nouveau. La guérison nécessite une action : manger correctement, l’exercice quotidien, penser autrement… produisent des changements sains dans le physique.
Relâcher le passé, laisser tomber les emplois stressants ou les relations inappropriées sont des actions qui libèrent l’énergie du corps. Ce qui améliore l’une améliore l’autre, la puissance physique et l’Énergie sont intimement liées. »
Maria de los Angeles Rodeiro

« Tout ce qui nous irrite des autres nous amène à une compréhension de nous-mêmes. »
Carl Gustav Jung
























