
Éléments et cycles : eau, bois, ciel, mer, terre, pierre, feu…
Du végétal à l’humain
Évaporé, vaporisé, doux, dispersé, ventilé, condensé, humide, pluvieux, orageux, foudroyé, boueux, stagnant, amer, pollué, déprimé, filtré, drainé, ressourcé, lent, fluide, vivant, fertile, guilleret, contournant, clapotant, dévalant, rapide, cascadant, débordant, contrarié, réconcilié, mélangé, salé… Vague retrouvée au gré des courants et marées.
J’ai suivi le cycle de l’eau ! Je suis retourné visiter d’anciennes amours, me suis ouvert à de nouvelles…
LA PEUR par Khalil Gibran
« On dit qu’avant d’entrer dans la mer une rivière tremble de peur. Elle regarde en arrière le chemin qu’elle a parcouru, depuis les sommets des montagnes, la longue route sinueuse qui traverse des forêts et des villages. Et devant elle, elle voit un océan si vaste, qu’y pénétrer ne parait rien d’autre que devoir disparaître à jamais.
Mais il n’y a pas d’autre moyen.
La rivière ne peut pas revenir en arrière.
Personne ne peut revenir en arrière.
Revenir en arrière est impossible dans l’existence. La rivière a besoin de prendre le risque d’entrer dans l’océan parce que c’est alors seulement que la peur disparaîtra, parce que c’est là que la rivière saura qu’il ne s’agit pas de disparaître dans l’océan, mais de devenir océan. »
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J’ai retrouvé les berges du Lez à Montpellier à l’occasion de balades en vélo depuis la nouvelle mairie jusqu’aux plages de Maguelonne, un pèlerinage à chaque fois renouvelé, intemporel comme une plongée en un monde parallèle. J‘ai découvert la rivière la Mosson, en remontant son cours juste après le quartier animé et bigarré de La Paillade, depuis le parc Sophie Desmaret. Ce cours d’eau pittoresque traverse ce qui fut le domaine d’un grande famille de la région qui comprenait le château de la Mosson, construit entre 1723 et 1729 par Joseph Bonnier, trésorier des États du Languedoc. Ce château fait partie des folies montpelliéraines. Les rives de la Mosson ont été légèrement aménagées sous l’Ancien Régime pour une promenade de style romantique. De hauts platanes bi ou tricentenaires s’élancent au dessus d’une eau vert émeraude dans laquelle nagent des poissons rouges et pêchent des hérons blancs. Les glou-glou et les clapotis de cette belle rivière ont calmé mes inquiétudes bien triviales.
Plus au nord, le massif des Cévennes constitue la réserve d’eau de toute la région. Le Vidourle qui y prend sa source avant de glisser sereinement entre les arches du pont romain de Sommières. À quelques kilomètres en amont, ce fleuve secondaire s’est divisé autour d’ilots de verdure puis ébroué en cascade à Lecques, où chaque été s’installe une guinguette bien sympathique que je recommande. J’ai aussi découvert qu’un des chemins de Compostelle passe par Grabel, charmant village situé le long de la Mosson, au Nord-Ouest de Montpellier.
La cathédrale de Maguelonne, imposante d’élégance et de sobriété romane, surplombe l’étang de l’Arnel depuis plus d’un millénaire. Depuis que Les compagnons de Maguelonne, un restaurant gastronomique a été ouvert dans une des annexes par l’association du même nom. Celle-ci est une ESAT qui accompagne les personnes en situation de handicap en leur proposant des activités professionnelles et l’hébergement, la petite île draine plus de visiteurs. Dans la douce pénombre rafraichissante de la cathédrale, de plus en plus de lumignons sont allumés aux pieds de la statue en plâtre de la Sainte Vierge datant de l’époque baroque. Ses deux bras font un geste d’accueil aux pèlerins ou d’imploration pour le pardon divin, mais restent amputés de leurs mains. Dans le parc boisé de pin et agrémentés de massifs d’acanthes qui entoure la divine demeure, des paons bleu-vert et blancs lancent régulièrement leur cri plaintif qui s’entend des lieues à la ronde.



























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À l’occasion de la fête de musique à Sommières, je suis allé voir, sur une proposition de mon amie Rafa, nymphe aquatique à ses heures, une installation dans le beau village d’Aubais dans le Gard, où coulent le Vidourle, le Lissac et le ruisseau de Gamenteille. Riche bourgade entourée de vignes et de manades, des fêtes taurines y sont organisées chaque année. C’est aussi le lieu d’où est originaire et vit le peintre Claude Viallat, né dans la grande ville voisine de Nîmes en 1936. Il est l’un des membres fondateurs du groupe pictural Supports/Surfaces en 1969. Cultivant des liens avec le courant de l’Abstraction Lyrique, Claude Viallat est connu pour ses motifs répétitifs, des impressions multicolores en forme d’éponge abîmée sur grandes toiles sans châssis.
L’installation proposée par l’artiste Isa Rabarot du 7 juin au 30 juillet peut se voir à l’intérieur du grand lavoir d’Aubais, qui date du milieu du XIXe siècle, Celui-ci est est situé aux portes de la ville, chemin de Junas. Il est fermé par des grilles métalliques, aussi l’installation se contemple depuis l’extérieur. Elle s’intitule « Les voix de l’eau ». La présentation de cette œuvre sobre et réussie conclut cet article avec quelques photos et un texte explicatif de l’artiste, qui vient justement en résonance avec le thème de l’eau abordé ici.
Isa Rabarot nous amène naturellement à des préoccupations séculières et spirituelles, en s’inspirant d’activités traditionnellement féminines : la souillure des corps et des âmes opposée à la pureté du linge lavé, redevenu blanc comme neige après une lessive manuelle au lavoir collectif.
Florent Hugoniot
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Les voix de l’eau

« Le lavoir, lieu emblématique où se retrouvent principalement les femmes du village de toutes les générations, fillettes avec leurs mères, jeunes filles, femmes de toutes conditions et dans lequel résonnent les conversations bruyantes ou chuchotées, accompagnées du bruit de l’eau, offrant aux yeux de toutes son jupon brodé, les chemises de son homme, la finesse de ses draps en lin, avec un certain pouvoir de connaître également tout de la vie des autres par l’observation du trousseau : Marie Rouanet parle d’un grand livre du linge qui s’y ouvrait.
Le linge, blanc dans mes installations, une couleur neutre pour moi, laissant place ainsi à une meilleure perception de la matière tissée et son volume dans l’espace, porte la mémoire de notre vie, chemin de la souillure à la pureté.
Les racines textiles, faites de draps hospitaliers récupérés, emprunts de souffrance, de réparation des corps, de joies également, nous rappellent combien l’étoffe nous enveloppe, nous protège des langes au linceul. »
Isa Rabarot
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SOURCES
https://fr.wikipedia.org/wiki/Folie_(Montpellier)
https://compagnons-de-maguelone.org/lassociation/
https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/nappes-eau-souterraine-au-1er-mars-2024
https://www.resultats-elections.interieur.gouv.fr/legislatives2024/ensemble_geographique/index.html






