Ce premier mai 2011 à Paris, les cortèges des différents syndicats français s’étaient bien positionné selon l’ordre attribué par la Préfecture, au début du Boulevard Voltaire. Lorsque, peu après 14h30 et sous un soleil radieux, la tête du cortège s’est ébranlé en direction de la Place de la Nation, les militants et les sympathisants ont sagement défilé, dans le calme, un peu dispersés du fait de la faible participation. Il y avait de la démobilisation dans les troupes. Et comble de la contestation syndicale et politique, un cordon de CRS (en activité) – guidait les premiers manifestants et ouvrait le bal – du jamais vu ! Tout pour gâcher la Fête du Travail… Le quotidien Libération titrait d’ailleurs le lendemain :
« Les militants se sont défilés pour le 1er Mai »
« Selon la police, 13 250 personnes se sont mobilisées à Paris, et 77 000 dans toute la France, soit près de trois fois moins qu’en 2010. […] Les jeunes migrants tunisiens, turcs ou encore africains ont apporté les rares touches d’énergie d’un défilé atone. »
Car l’ambiance était effectivement ailleurs, un peu plus en arrière sur la Place de la République ! Une foule mouvante et colorée, agitant des banderoles et des drapeaux, jouant de la musique, cuisinant des plats épicés. Ou comment faire un tour du monde (presque) complet en faisant juste le tour de la grande place rectangulaire, point de départ de toutes les grandes manifestations nationales ! Cette mosaïque de représentations de tout type, de toutes nationalités, a su insuffler la véritable énergie vitale à cette fête du premier mai crû 2011. On pouvait y croiser :
- des Chiliens et des Argentins défendant la cause des indiens Mapuches, poussés hors de leurs terres par la spéculation foncière
- des Kurdes et des Tamouls célébrant un martyr ou un dissident politique célèbre pour exorciser le danger du génocide
- une mystérieuse organisation asiatique ACPC avec un dragon comme logo, exigeant de meilleurs droits au travail
- des Sahraouis réclamant l’indépendance de leur pays (le Sahara occidental, coincé entre le Maroc et la Mauritanie)
- des Syriens qui, tout en retenant le leur, veulent aussi respirer à pleins poumons ce grand souffle de liberté qui traverse les pays arabes
- des Africains réclamant plus de démocratie pour tout le continent tandis que des Ivoiriens pro-Gbagbo laissaient éclater leur exaspération face à l’ingérence française dans leur pays
- les sans-papiers, les sans logis, les oubliés et les victimes de la crise et de la crispation identitaire, ici même en France
- des enfants essayant de prendre leur envol sur une grille de métro
- et d’autres que je n’ai tout simplement pas croisé !…
Voilà, il suffit de voir et d’entendre l’enthousiasme des représentants de ces peuples, de toutes ces aspirations pour plus de justice et de liberté, pour croire que l’espoir circule partout dans le monde, et encore dans ce pays des Droits de l’Homme.
Loin des peurs instrumentalisées, des réflexes étriqués et des politiques nombrilistes, ce sont ces groupes d’origine étrangère, issus de tant d’horizons différents, qui nous ont renvoyé le meilleur reflet de nous-même, et qui font vivre la démocratie française de la manière la plus belle, la plus volontaire et aussi la plus généreuse !