Belleville, un village labellisé Street Art

Rue Dénoyez, Belleville

Comme on peut le voir sur Paris Street Art, le site parrainé par la Mairie de Paris qui recense les spots sur la capitale, Belleville se taille la part de lion sur la carte interactive du Street Art. Intense activité dans le domaine de l’art urbain donc, dans ce quartier historiquement rebelle et contestataire (mais qui se souvient de l’histoire des Communards résistant contre l’armée des Versaillais en 1871 ?..) et ouvert aux artistes.

Un peu d’histoire…

« La Commune de Paris est une période insurrectionnelle de l’histoire de Paris qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871, pour s’achever par la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. Cette insurrection contre le gouvernement, issu de l’Assemblée nationale qui venait d’être élue au suffrage universel masculin, établit pour la ville une organisation proche de l’autogestion. Elle fut une réaction à la défaite française de la guerre franco-prussienne de 1870 et à la capitulation de Paris. » Wikipedia

Rue Dénoyez, Belleville

Belleville fut même, de 1789 à 1860, la plus grande commune (au sens premier du terme) autonome, limitrophe de Paris, qui regroupait le 19ème et le 20ème arrondissement actuels. On y venait déjà s’encanailler et boire le vin de ses vignes (situées sur l’actuel parc de Belleville), moins taxé que dans l’enceinte de Paris. La réputation bohème de ce quartier resté bucolique (et un peu alcoolique..) jusqu’à l’après-guerre n’est plus à faire. Moins réputé que Montmartre, il a commencé à attirer les artistes plus tard, dans le courant du 20ème siècle, du fait de ses loyers très modérés et de ses ateliers disponibles. Son histoire en tant que village populaire s’efface peu à peu, car il se boboïse à vitesse accélérée depuis 20 ans. Les artistes n’ont pas quitté le quartier pour autant. Au contraire, des galeries d’art contemporain, chic et arty en on fait leur eldorado.

De Belleville à « Babelville »

Mais sa population, après s’être fortement métissée dans les années 70/80, ce qui lui a valu le nom de Babelville, se « gentrifie ». De son passé ouvrier, syndical et révolutionnaire, il ne reste plus que quelques lieux emblématiques, eux-même transformés en espaces culturels, squat, bars et salles de concert, tels La Bellevilloise (ancienne coopérative d’accès à la politique et la culture pour les gens modestes) et La Maroquinerie, à deux pas l’une de l’autre dans la rue Boyer, ou encore la Miroiterie, 88 rue de Ménilmontant, squat artistique toujours en activité malgré des menaces régulières d’expulsion.

La Forge, Belleville

Depuis la destruction des bâtiments vétustes de la rue de l’Ermitage, haut lieu du graff sauvage (quelques œuvres subsistent encore autour du Studio et à l’entrée du passage de l’Ermitage), c’est plus bas vers les boulevards qu’il faut aller trouver les spots encore en activité. Et ça bouillonne autour du métro Belleville, avec le mur collectif gigantesque de La Forge (autre lieu emblématique de la résistance du quartier, une ancienne fabrique de clefs, récemment transformée en ateliers d’artistes). La rue Dénoyez à quelques mètres, est devenue un havre de l’expression libre, sorte de réserve artistique très concentrée, au décor proliférant et changeant constamment. Devenue piétonne, la rue abrite quelques galeries spécialisées Street Art, dont Frichez-Nous la Paix qui organise régulièrement des expos/vernissages dans son petit espace, et où on pourra trouver des infos sur le quartier et ses artistes. Beaucoup de ses acteurs actuels sont issus du plus vieux squat parisien rue de la Grange-aux-Belles, dans le 10éme arrondissement voisin.

Rue Dénoyez, Belleville

On peut cependant regretter une forme de sanctuarisation du lieu, allant dans le sens d’une « muséïfication » à ciel ouvert, d’un parc à thème servant surtout les intérêts des cafetiers alentour comme le célèbre et très fréquenté bar Les Folies qui a pu ainsi faire déborder sa terrasse sur la rue piétonne. D’un autre côté, en laissant ce spot en activité et ces quelques dizaines de mètres, recouverts de graffs, collages, pochoirs et fresques murales en tout genre comme ultimes témoignages d’une identité libertaire et artistique, cela n’autorise-t-il pas le nettoyage des autres rues du quartier ?…  Le débat est ouvert, même si Belleville reste un des derniers quartiers bouillonnants de Paris, toujours excitant et inventif. D’ailleurs les Portes Ouvertes de Belleville et les Ateliers de Ménilmontant, qui ont lieu respectivement courant mai et fin septembre de chaque année, sont là pour le prouver.

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Voilà, j’espère que ce petit périple dans les rues animées et colorées de Belleville vous aura plu, n’hésitez pas à aller y flâner les yeux grands ouverts si vous le pouvez, et rendez-vous pour une prochaine étape Street Art sur lapartmanquante ! N’hésitez pas à laisser un post, à apporter une précision…

Florent Hugoniot

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8 commentaires pour Belleville, un village labellisé Street Art

  1. lara dit :

    merci pour tous ces articles de street art, j’ai bien du tout lire cest un régal pour les amateurs passionnés!!

    • LMicromonde dit :

      Très bel apport au débat, merci pour cet article !

      Oui, la présence des artistes est toujours un moteur de la gentrification. D’ailleurs, on m’a rapporté une ville d’Allemagne ou un squat d’artistes avait été chassé par le populaire de la ville au motif que sa présence attirerait les investisseurs et donc une hausse des loyers.

      Mon point de vue n’est d’ailleurs pas dans le soutien inconditionnel au mur ou à autre chose. Plutôt dans l’écoute et la prise en compte des logiques micro-locales (cf. ma proposition d’enquête ici : https://mesparisiennes.wordpress.com/2015/05/24/desnoyez-comprendre-les-crises-a-belleville-une-autre-logique-est-possible/ ).

      Cela se fait (hélas !) face à une culture de pouvoir, celle de la Mairie de Paris, du développement économique et de la rationalisation urbaine et d’une volonté de contrôle totale sur l’expression des quartiers, sur la culture et la convivialité.

      C’est à dire une privation par la technostructure de la ville, des alternatives et des antidotes locales à la globalisation industrielle.

      • Oui, il ne faut pas oublier les acteurs du privé, et le lobby immobilier, avec dans les hebdos, les fameux marronniers : les évolutions des prix au m2 dans chaque grande ville de France. Paris toujours au top du top avec une cotation internationale qui ne baisse jamais, des périodes de stagnation des prix parfois mais un mouvement général à la hausse salué par tous les gagnants du capitalisme, petits propriétaires comme spécialistes de la revente à la découpe.

        Donc l’embourgeoisement de Paris ne date pas d’hier, depuis 30 ans personnellement j’ai pu constater comment les ghettos psychologiques et l’uniformisation des esprits, de la ville s’étaient renforcés alors que dans les années 80, dans la capitale, tout semblait possible et ouvert aux futés désargentés et aux atypiques peu aventuriers.

        Répu est devenu bobo, le dernier triangle populaire et multiethnique de la Goutte d’Or est en train de suivre doucement le même chemin et nombre de quartiers populaires sont passés de l’autre côté du périph alors que la couronne rouge communiste s’est décomposée, devenant rose, verte, bleue toutes nuances…

        Comclusion, le Street Art c’est soit bon pour le 104, des espaces urbains réservés et les musées d’art contemporain, sinon pour les cités loin loin des centre-villes proprets…

        En tout cas courage et bonne chance pour votre action, et pour fédérer autour de ce projet de démocratie urbaine/participative, écoutes, débats et initiatives civiques, qui manquent cruellement et dont nous avons tous besoin. Les Espagnols ont ouvert la voie avec les Indignados/Podemos, ADELANTE !

      • LMicromonde dit :

        Oui, il y a l’explication fataliste par la mondialisation, le réchauffement etc.

        Mais il y a la question locale qui est dynamique. Quel quartier essayons-nous de faire et pas seulement (mais aussi) de conserver ?

        Entre la lame de fond de l’argent, et un petit lieu de bonheur que l’on essaye de défendre, il y a un problème politique. Les politiques sont elles faites pour accompagner les forces qui nous tombent dessus ou sont elles des outils au contraire pour protéger, développer des alternatives etc… des chausses-pieds de l’ordre global ou des cadres de résistance ?

        Quelle évaluation d’une décision politique prise sur le quartier par les habitants ? Quelle expertise citoyenne ? Quel dialogue ? Quelles propositions venues du local ? Quelles contre-propositions ? Voir quelles luttes ? Quelles alliances ?

      • Attention aussi au jeu des oppositions politiques. J’ai lu dans Le Monde je crois que soudainement Nathalie Kosciusko-Morizet s’intéresse au street art et à la rue Dénoyez à Belleville, certainement plus pour donner du fil à retordre à Anne Hidalgo que pour appuyer un mouvement populaire !

  2. LMicromonde dit :

    S’agissant du projet de questionnement sur Belleville, les Verts se sont opposés à ce que mon enquête ait lieu sur Belleville (parce que j’étais soutenu par NKM et qu’ils craignent avant tout une concurrence électorale sur le XXe).

    C’est dommage je crois, car tous les partis auraient eut à gagner du sens qui leur manque à revoir leur affrontements sur d’autres bases, plus locales. C’est ce genre de comportements politiciens qui contribuent je crois à l’apathie démocratique. La majorité (PS-PC) le détournera dans une autre enquête, mais qui sera thématique et centralisée. Source de conformisme institutionnel au final.

    Sur les mouvements comme Podemos, je ne les vois pas venir en France. J’ai toujours cru davantage à une autonomie de l’expression de la société civile (type justement luttes locales), en tension et en proposition, conflit ou alliance avec les courants politiques, qu’à une entrée réelle des citoyens dans le jeu électoral que les français aiment critiquer et regarder comme le rugby, mais qui compte plus d’adeptes en canapés.

  3. LMicromonde dit :

    Sur le rôle de NKM (pardon je n’avais pas vu la sous réponse), c’est au contraire elle qui est à l’initiative de ce texte. Elle m’a demandé mon avis sur Belleville et le conflit Desnoyez et je lui ai répondu par ce texte. Proposition d’enquête qu’elle a soumis au conseil de Paris. Texte que j’ai rendu public par la suite parce que je pense intéressant que les gens du quartier voient les processus politiques sous leurs yeux. Que politiques et citoyens soient associés au constat, pour pouvoir les critiquer et les faire évoluer.

    Son intérêt pour le Street-art cela ne date pas d’hier. Elle a la première manifesté son désir de donner une suite politique au travail de réflexion que j’anime depuis longtemps sur Paris, la culture alternative et les politiques publiques (travail et qui est jugé « gauchiste » par le PS) et qui est donc au final empêché par Les Verts. La jeu politique est parfois ironique, j’en souris aussi même si c’est à mes dépends.

    L’intérêt est ici de trouver un chemin sain pour que l’intérêt local ne soit pas trahis en passant par le filtre des conflits de partis… Et donc on voit que ce n’est pas gagné ! §;-)

    David Langlois-Mallet

    PS (précision utile, on gagne très correctement sa vie dans mon métier d’expert si l’on emprunte la voie classique : entrer dans une écurie politique et ne pas se préoccuper de ce que fait le politique des contenus que l’on propose.

    C’est beaucoup plus difficile (et à ses frais, je paye cher mon approche) de partir d’un constat partagé entre habitants et politiques, de trouver des élus qui, comme NKM disent « banco pour une enquête, je te fais confiance » (alors que je n’appartient pas à ses réseaux) et dont les propositions ne trahissent pas le travail. Tous luxes de liberté d’expression que NKM m’a donné eu dans ce cas précis, même s’il s’agissait d’enquête et pas de décisions politique. C’est un signe très encourageant.

    Cette approche nouvelle, partir des paroles des habitants, de l’intérêt pour le territoire, me parait être la seule façon de renouveler la politique. Elle ne franchi pas la barrière des oppositions partisanes pour le moment.

  4. Fred dit :

    Quel délabrement déjà. Aujourd’hui c’est un cloaque.

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