J’ouvre un oeil vers les cinq heures du matin : Elle est là, suspendue dans le cadre de ma fenêtre, immobile et indécise. Elle me fixe de son globe aveugle, la Grande Borgne. Ou plutôt de son oeil poché, rouge-orangé, qui conserve à ce moment juste un liseré de lumière par en bas, comme un regard de biais. Un lent et salace clin d’oeil nocturne que Madame la Lune m’aurait réservé depuis bien longtemps ; une oeillade pour allumer, para coquetear, et qui dure le temps d’une odysée spatiale, l’éclair d’une révolution cosmique.

Éclipse de lune rouge

L’éclipse lunaire du mercredi 8 octobre entrait exactement dans sa phase maximale. J’assistais, hypnotisé, pas encore bien réveillé, à cette lente variation de la lumière vers l’obscurité, puis vers la lumière. Je ne l’avais encore jamais vu de mes yeux  parée de ces nuances fauves qui la font ressembler à Mars, ou à Jupiter. Une lune en colère, forte, prête à faire la guerre, qui réclame sa rançon de sang… Une lune en furie, prête à exploser, calmement, car elle a eu tout le temps de préparer son coup. Dame de coeur rouge de rage, muette mais bien visible, voilée dans les différentes interprétation que cette tétrade d’éclipse, à six mois d’intervale sur la période 2014 – 2015, que cette exceptionnelle configuration suscite sur les forums virtuels.

« L’éclipse Totale de Lune du 08 Octobre 2014 est la seconde des quatre éclipses lunaires totales consécutives ayant lieu en 2014 (15 Avril et 08 Octobre) et 2015 (04 Avril et 28 Septembre).

Cette nouvelle éclipse totale concerne l’Océan Pacifique et les régions environnantes. Comme en Avril dernier, les observateurs d’Europe seront malheureusement privés du spectacle.

L’éclipse se produit au noeud descendant de la Lune dans le sud de la constellation des Poissons (Pisces), seulement deux jours après le passage au périgée (le 06 Octobre à 09h41 UTC). Par conséquent, la Lune nous apparaîtra 5,3% plus grande que lors de l’éclipse de 15 Avril, avec un diamètre apparent de 32,7 minutes d’arc.

Pour cette éclipse, la trajectoire orbitale de la Lune l’amène dans la moitié nord de l’ombre de la Terre. La phase de totalité dure 59 minutes, principalement parce que le diamètre de l’ombre est plus grand (1,49° contre 1,39° en Avril). »

PGJ Astronomie

Elle n’est plus qu’un énorme point rouge dans le ciel étoilé. La tache aveugle du nerf optique. C’est la dernière grande pleine lune, si intense, si proche de la Terre, et la dernière éclipse de l’année 2014.

Lune de sang qui tombe

Vers 6h30, un fin croissant lumineux réapparait sur le bord supérieur droite de l’astre nocturne. Désormais, ses couleurs chaudes pâlissent, variant jusqu’au gris clair. On dirait désormais qu’elle a revêtu le manteau discret d’une vieille dame oubliée, une veuve, une grenouille de bénitier. Des taches indélébiles salissent sa blancheur périmée, son innocence souillée.

L’ombre du lièvre sautillant se profile à nouveau. Vite, vite, quelle heure est-il sur ma montre ?? Suis-je en retard ? Non, je me sens parfaitement EN PHASE, pendant que la lune ronde redescend sur la terre, inexorable, entière et renouvelée.

Plus loin, les réservoirs d’eau sur les toits brillent déjà comme des billes noires. Des graines de papaye mûre au soleil.

Florent Hugoniot©Photo – Zacatecas le 30/10/2014