
« Bio-artefactos, desgranar lentamente un maíz », peinture sur toile (détail) – Siegrid Wiese – MACO, Oaxaca, 2014
ÉCRIRE…
Pourquoi écrire ? Qu’est-ce qui m’anime au point de passer des heures sur mon clavier, de m’esquinter les yeux sur l’écran en me questionnant sur des sujets, des idées, des formulations qui m’habitent pendant des jours et des jours ??
« Ce n’est pas de la littérature, c’est la vie. Ma vie, Leur vie. Notre vie à tous. »
Blaise Cendrars, Bourlinguer
Liberté d’expression répondront certains, désir obscur d’exister, de s’affirmer à travers les mots diront d’autres… Hmm, un peu trivial et facile à mon goût. Car maîtriser la langue, c’est posséder un outil merveilleux de compréhension du monde, mais aussi un pouvoir inégalable. La parole est un art, c’est aussi une arme. Pierre Bourdieu s’est ainsi longuement intéressé au langage comme instrument de pouvoir, comme rapport de force et système de reproduction de la domination, en tant que pouvoir symbolique dans le champ politique. Et puis le linguiste néophyte, l’amoureux des mots qui s’est progressivement révélé en moi tout au long de flux du langage, ce voyage dans l’écriture et les différentes formes du discours initié il y a déjà 4 ans, ma formation artistique, le plaisir de la communication verbale ajouté à mon nouveau métier d’enseignant de FLE (français langue étrangère), m’ont amené sur d’autres terrains que celui du JE : l’Autre, l’échange, la transmission mais aussi la systématisation des mécanismes d’apprentissage de l’expression orale comme écrite.
On a laissé des mots, des clichés et des poncifs penser pour nous au lieu de penser avec des mots réfléchis.
Jean Cocteau

« Bio-artefactos, desgranar lentamente un maíz » (vue de l’exposition) – Siegrid Wiese – MACO, Oaxaca, 2014
Voix intérieure qui est toujours en balance, en rééquilibrage avec la voix des autres (celles des proches, des collègues, des institutions, des médias, etc.). Flux continu de pensées, formulées en images, en phrases, qui se frottent et se confrontent avec les mots courants – parfois les maux de notre société postmoderne. Mots volants et papillonant tout autour de nous, certains ayant plus d’impact et de poids que d’autres. Nuages de mots, auxquels les mystiques ajouteraient la parole divine qui pénètre le croyant, le langage des anges, le langage des oiseaux selon Lacan. Ou encore expression du libre arbitre pour les adeptes de la raison.
Le discours libre et autonome n’a pas attendu Descartes pour exister et se développer sous toutes ses formes : chanson d’amour, poésie, contes, essais, roman fantastique… Mais que Descartes ait relativisé le discours par un Sujet, moi, Je pense donc je suis, a tout changé : nous avons un point d’appui pour explorer le monde, dépasser progressivement tous les cercles en partant de l’intime vers l’universel.
Décentrements
Le langage est pour l’espèce humaine un décentrement par rapport à toute donnée immédiate, une construction de l’esprit, un artefact. Il faut admettre que l’homme, en tant qu’être social, est avant tout un être de signes et que notre vécu dépend de ce qui se lit, s’entend et se prononce autour de nous mais aussi de ce qui se dit et de ce qui s’invente en nous. Notre voix intérieure, la conscience et les zones plus excentrées, enfouies comme le subconscient ou l’inconscient ont toutes besoin d’un langage plus ou moins codifié pour se développer, s’exprimer. Pour raconter les mouvements de l’âme, du cœur, de la raison et du corps, pour être le sujet de son existence, Pour prendre le recul nécessaire sur ce formidable outil de compréhension personnel, du monde qui nous entoure. Que ce soit à travers des images, des symboles, des couleurs, des sons, des signes ou des mots.

LIMPIDE 2 / LIMPID 2 – © Ossiane. All Rights Reserved – « fluorescence du coeur. irisation de l’âme, rêve opalescent / fluorescence of the heart, iridescence of the soul, opalescent dream. »
Archipels de mots
Lorsque j’écris un nouveau texte, les idées tournent et retournent dans ma tête, comme une ébauche de sculpture aérienne (ou un mobile, selon la définition d’Alexandre Calder). Les mots s’envolent, glissent les uns sur les autres, des phrases se déroulent, plongent parfois, surnagent et s’affirment en pesant de toutes leurs significations sur le cours du monde. Mon approche de l’écriture est plus empirique, visionnaire que cartésienne, même si au fond de moi je sais mes convictions et connais mes domaines de prédilection, même si poursuis toujours les mêmes buts existentiels, comme un artiste qui peaufine idéalement le même tableau, retouche la même sculture, dira un seul et même message tout au long de son oeuvre .
« Je me replie. Je rentre en moi par mon oreille gauche. Mes pas retombent dans la solitude de mon crâne qu’illumine seule une constellation grenat. Je parcours à tâtons l’énorme salle démantelée. Portes murées, fenêtres condamnées »
Octavio Paz – Liberté sur parole
Je trouve premièrement les éléments (ou plutôt ils me trouvent) en partant d’une fugace impression, d’une urgence de dire. Je les modèle, les façonne et leur donne forme, exactement comme dans le processus de création de mes mobiles. Avec de l’argile ou de la résine pour les uns, des lettres et des signes pour les autres. Je visualise mes nuages de mots, et définis les formes, agrémente parfois avec quelques jeux de mots osés, formules baroques. J’insiste ici sur une lumière, là sur une ombre, je donne à ce groupe de mots leur couleur (coloratur) définitive, joue avec les nuances et les gammes, la mélodie du langage.
Petit à petit la structure du texte prend forme. Car après avoir choisi et isolé les éléments principaux du texte, soupesé mes arguments et envisagé comment ils peuvent jouer, dialoguer entre eux, j’articule mon texte. Comment ? Avec les baguettes, qui organisent mes différent parties et paragraphes. La superstructure, l’idée forte, c’est l’axe principal. Ensuite j’organise en parties, sous-parties et assemble petites et grandes baguettes, organise des groupes, des sous-groupes, trouve mes titres. Puis je lie le tout avec le fils de ma pensée, moment délicat.
Enfin, je donne à mon discours sa forme définitive : les espaces s’animent, les volumes se creusent et s’amplifient, les champs lexicaux se parlent, les mots chantent entre eux. Alors je suspends. Une fois mon mobile/texte en l’air, j’essaie de l’animer, de créer du souffle, pour donner plus de relief à ce paragraphe-cumulus, de la légèreté à ce passage-stratus. Des touches qui ont davantage pour objectif d’amplifier le sens giratoire général que de préserver un pur effet esthétique de départ- même si ce dernier aspect important traverse toutes mes productions, plastiques comme littéraires.
Mots–billes & mobiles

Philippe Ramette, Le Contact, série «Exploration rationnelle des fonds sous-marins», 2006 – Courtesy galerie Xippas, Paris
VIDE : Créer en volume en étant presque affranchi des lois de la pesanteur, c’est la première motivation qui m’a conduit vers cette aventure artistique, que je poursuis depuis maintenant plus de 10 ans. Mes mobiles, initialement fabriqués en résine, acier ou bois et fil de nylon, évoquent la danse des constellations, une ronde sans fin, le fil qui nous relie au cosmos.
AIR / EAU : Mes mobiles sont conçus afin que le plus léger courant d’air les mette en mouvement. Ils s’animent même exposés dans un espace fermé car j’ai essayé au mieux de leur imprimer ce souffle de vie. Avec l’expérience et l’ajustement des équilibres très fins, il m’est possible d’obtenir cet effet qui offre de longs moments de contemplation et de curiosité. Les suspensions souples en tiges de métal engendrent également une ondulation aquatique, comme les poissons tournant et retournant lentement dans leur milieu.
TERRE : Je modèle actuellement mes pièces avec un matériau composé d’un mélange d’argile et de papier mâché, l’argile papier, et qui permet de gagner en légèreté. Je peux réaliser ainsi des formes fines et ajourées. L’argile vient principalement de la région de Zacatecas.
VIE : Creer un mobile, c’est trouver à la fois l’équilibre et la dynamique entre les différents éléments qui le composent, ici des formes abstraites en terre cuite. Libérer ces pièces de l’attraction terrestre, suspendre ces formes fragiles, comme des existences retenues par un fil, ajoute une tension et une inquiétude mélée d’envie, une attirance/résitance chez le spectateur.
LUMIÈRE : J’ai travaillé également mes pièces afin qu’elles jouent avec la lumière, la retienne sur des surfaces courbes ou la laisse passer par des ouvertures. Elles semblent envelopper le vide qui les entoure, redessiner l’espace dans lequel elles tournent et évoluent. Certaines ont des formes de spatules, comme pour attraper la lumière, cette lumière magnifique du Mexique, changeante, parfois veloutée et chaude, parfois froide et tranchante.
Apesanteur, mouvement, équilibre, harmonie, intemporalité, fragilité, jeux d’ombres et de lumière, autant d’aspects qui donnent au mobile sa magie et son pouvoir d’attraction.
http://mobile-florent-hugoniot.blogspot.mx/
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Correspondances
Pour revenir à l’écriture, je suis investi par le texte quand lui aussi commence à me surprendre : je suis déstabilisé dans la linéarité de mon discours et je cherche, je soupèse les différentes parties, j’évalue les perspectives afin que le résultat balance bien et s’équilibre de lui-même. Le point fondamental étant de donner du mouvement, un déséquilibre subtil et désiré, une dynamique, bref de la vie à mon œuvre parlante !
Et enfin je rectifie l’ensemble en appuyant ici, en étirant là, laissant le vide entrer dans l’œuvre, donnant du rythme et du silence. Je reviens sur les détails, la ponctuation, j’ajoute parfois un poids, une citation, un hyperlien, un extrait d’auteur qui constituera un contre-point si nécessaire.
Les qualificatifs, adjectifs, adverbes, tel article, telle action, sont tous comme des nuances sur l’infinité de la palette des couleurs. Et la langue française a cette particularité de pouvoir refléter une infinité de nuances de la pensée !
L’obsession de l’expression littéraire
Quand j’ai un nouveau projet de texte, je ne peux plus m’empêcher d’y penser, la nuit surtout. Pendant un trajet, sur mon vélo, au détour d’une conversation, d’une lecture, je retrouve mon article, en pause dans un coin de mon cerveau. C’est comme si mon petit ordinateur perso se mettait à travailler, même débranché. Les connexions se font, se défont et se refondent, fusionnent et se répondent d’elles-mêmes, jusqu’à ce que le texte prenne sa forme définitive. L’inconscient s’articule avec le conscient, toutes les capacités de mon cerveau, de mes sens – mes yeux, mes oreilles jusqu’à ma peau – semblent mobilisés. J’écris sur le revers de mon cerveau, avant de toucher mon clavier. L’étape de mise en forme est cruciale, je change des paragraphes de place, j’interverti des phrases, jouant du copier-collé, j’imagine des titres plus adéquats, des formules percutantes.
Puis vient le dialogue du texte et des visuels. Encore un autre type de langage, qui se développe entre les lignes, plus en suggestions, en questionnements et moins dans l’affirmation et la redondance. La partie iconographique, c’est à dire la recherche d’images, de visuels qui illustreront mon propos n’est pas la moindre. Elle accompagne depuis le début mon processus d’écriture, Car je n’oublie pas que je suis un être visuel : les images ont un pouvoir immense sur moi, ma mémoire en enregistre des dizaines chaque jour, et je ne sais pas écrire sans user de métaphores.
Souvent les visuels que je découvre sur les réseaux sociaux, Facebook en premier lieu mais aussi lors de mes recherches sur la Toile, alimentent ma réflexion, aiguillonnent mon cheminement intellectuel. Comme un train bavard lancé vers de nouveaux horizons silencieux, qui petit à petit entreront en résonnance avec mon moi profond…
“La nuit je mens
Je prends des trains à travers la plaine
La nuit je mens,
Je m’en lave les mains.
J’ai dans les bottes des montagnes de questions
Où subsiste encore ton écho
Où subsiste encore ton écho.”La nuit je mens (Fantaisie militaire) – Alain Bashung
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Entre les lignes : surprises et révélations

HAUT LA NOTE, 2015 – Mag-Light 25 cm, rotules, supports micro, faux cils, Rimmel. Dimensions variables – Frédéric Lecomte 2015.
L’écriture est un geste imprévisible et révélant. C’est aussi un effort gratifiant, un moment appliqué mais jouissif. Il m’arrive d’écrire trop long, de vouloir trop en dire, ou encore de m’enivrer de métaphores et d’aligner les mots comme des perles dans un collier chatoyant. Lors je procède à des coupes, ou répartis mes idées dans textes différents. C’est certainement la partie du travail la plus fastidieuse exigeante, mais aussi pendant laquelle se façonne une reflexion rationnelle, carthésienne, made in France diront certains amis étrangers : je cerne, hiérarchise, argumente et et module ma propre pensée.

IT’S TOUMOï, 2015 – Dessin à la craie, papier marouflé sur toîle, agrafes, bois. 122x122x5 cm – Frédéric Lecomte, 2015
Par exemple ce texte est issu d’une matrice, un premier jet que j’aurais pu titrer “décentrements et dépaysements” par exemple. J’en ai fait finalement deux textes en miroir, qui se répondent, en réorganisant, en structurant davantage ma pensée. Le premier, D’un mot à l’autre – la parole transposée 19/06/2015. Celui-ci a finalement muri jusqu’à maintenant. J’ai tranché, cisaillé, rassemblé pour qu’ils se révèlent d’eux-mêmes et déroulent leur propre chant, expriment leur substantifique moelle. Bien sûr, je dois me méfier des fausses pistes et des égarements tous théoriques, rhétoriques, et garder ma ligne directrice.
Écrire, c’est arracher des mots des profondeurs de son esprit, plonger au plus profond de soi.
Écrire, c’est déconstruire le monde.
Écrire est un acte restructurant.
En procédant ainsi à des relectures, en modifiant mon texte original ou en le lassant inachevé, effiloché, en chantier de toutes parts, je me donne la possibilité de découvrir ma pensée et de la laisser libre et confiante, aller doucement à son but, à la découverte de trésors de l’esprit dont Internet constitue désormais un formidable terrain de jeu et d’investigation, mais également dans les méandres de mon cerveau et de mes tripes.
Futilité et promesses du numérique
Parfois, je me demande « mais qui ma logorrhée verbale peut-il bien intéresser? » Et la vanité de l’écriture me saisit. N’est-ce pas à moi même avant tout, que je tends un miroir ? Quelques gouttes de moi lancées dans un océan de paroles, comment ne peuvent-elles pas se diluer dans le flux et reflux incessant des publications sur la Toile, dans le grand remue-ménage du temps et les remous de l’histoire humaine ?…
Mots tapés dans l’urgence, inscrits parmi des constellations de touches de clavier qui s’éclairent et articulent comme des marches, des escaliers tendus vers l’immortalité, la postérité ; des signes qui se répètent et se répondent à l’infini ; des phrases enregistrées, lues, relues, puis disparues, écrasées par d’autres… Que deviennent mes commentaires sur le net, par qui sont-ils vus ? Le numérique n’autorise plus cette assurance, bien vaine certes, de l’inscription dans l’éternité, de la pérennité du texte imprimé, de ce sacro-saint papier. On retrouve bien aujourd’hui, encore 3000 ans, 5000 ans après, des papyrus, des tablettes d’argile mésopotamiennes, des dessins gravés sur pierre et vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années.
La fabrication et l’utilisation des terminaux, des réseaux télécoms et des data centers consomment l’équivalent de la production électrique de l’Allemagne et du Japon.
http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/consommation-electrique-du-numerique-0813.shtml
La récente dématérialisation du discours pose de nombreuses questions et peut inquiéter à juste titre, en même temps qu’elle nous projette vers d’autres horizons. Elle fait par exemple envisager d’improbables civilisations futures capables de retrouver minutieusement des bribes de fichier numérique, comme l’archéologie aujourd’hui assemble des tessons de céramique. Car ce texte est à la merci d’un plantage de mon ordinateur, d’une panne géante de ces immenses centres de stockage énergivores et réfrigérés, qui consomment désormais l’équivalent de 10% de la production mondiale d’électricité, ou d’une censure des services d’hygiène ou de sécurité suite à des lois décrétées désormais en moins de 48h, en ces temps de terrorisme et de barbarie – ce qui fait d’ailleurs que si on ne sait plus de quel côté est la barbarie, on sait que la liberté d’expression et les pensées alternatives, les idées subversives sont elles de plus en plus menacées !
Déroutantes abstractions
Gilles Deleuze (1925-1995), figure essentielle dans la philosophie française contemporaine, est souvent associé au courant du post-structuralisme, lui-même emglobé dans le post-modernisme. Menant une critique conjointe de la psychanalyse et du capitalisme avec Félix Guattari, il crée les concepts de rhizome ou de déterritorialisation. La pensée de Deleuze est centrée sur le concept de « différence » et de « répétition », c’est-à-dire au rapport du même à la ressemblance, de la copie au double, et de l’effet de la répétition à l’infini par rapport à un original.
On se demande parfois si Deleuze n’a pas davantage amené de l’eau au moulin de la mondialisation et de l’atomisation des sociétés occidentales contemporaines en tissant, en proposant une trame intellectuelle comme une justification des égarements et silences de nos institutions (politiques, judiciaires, sociale, culturelle, mais aussi militaires, sanitaires). Vides et non-dits auxquels chacun, de plus en plus seul et démuni doit faire face aujourd’hui et dont nous subissons les conséquences plus directement que leurs promulgateurs. Les derniers attentats horribles à Paris, ce 13 novembre 2015, en sont un exemple flagrant : irresponsabilité et dévoiement de la parole publique comme intime, récupération de la souffrance à des fins idéologiques, géostratégiques et au final économiques.
Géophilosophie et déterritorialisation chez Gilles Deleuze : esquisse d’une nouvelle citoyenneté dans l’espace public postnational – SBE Aliana
« En nette rupture avec la métaphysique traditionnelle qui pensait le sujet humain en terme d’un Moi hypostasié, stable, rationnel, identique à soi, conscient de soi, autonome et assigné à un lieu ou une « Polis » aux normes circonscrites, G. Deleuze, sous le prisme conceptuel de la « Géophilosophie » repense la condition destinale de l’homme d’une manière nouvelle. S’adossant sur les catégories nietzschéennes du tragique et du dionysiaque, Deleuze tente de défonder le sujet rationnel chéri par la philosophie classique pour soutenir l’idée d’un sujet irrationnel, esthétisant, déshistorisé, délocalisé, mobile, flexible, plurielle, décentré, nourrit à la sève d’une identité « rhizomique » et ouvert aux flux du monde. Dans la mesure où les flux sont toujours aléatoires et mutants et que le décentrement nie toute identité stable ou tout lieu d’assignation, Deleuze esquisse une véritable politique de l’hybridisme, du nomadisme, l’errance et de l’exil qui valorise à chaque fois les « lignes de fuites » comme principe de la « déterritorialisation ». Que signifie déterritorialiser sinon « faire passer des flux à l’état libre sur un corps sans organe désocialisé ». Arrachant le sujet humain des cadres institutionnels rigides et des pouvoirs étatiques établis, Deleuze entend émanciper celui-ci de tous les « codes » pour laisser s’exprimer en lui les désirs décodés. Il s’agit donc d’une libération du désir comme « processus schizophrénique ». Pour Deleuze, le devenir universel, c’est-à-dire l’Histoire a pour fin « la production désirante dans sa libération à l’égard de la production sociale ». C’est donc le désir qui est déterritorialisant. »
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Ces mots qui s’effacent
Internet favorise certes la communication accélérée et amplifée, la large diffusion de messages virtuels aux accents et impacts bien réels, le rapprochement des distances et la compression du temps de trajet des mails, infos qui colonisent toujours un peu plus la moindre parcelle oubliée, neutre et insouciante de la planète. Mais il promeut également le morcellement de la pensée, la lecture partielle par bouts de phrases, le zapping et l’inconstance. Je n’y échappe pas, par exemple avec ces citations attrapées au vol ou ces images Facebook qui viennent souvent enrichir mes textes. Cependant, si j’effectue une veille très régulière des réseaux sociaux et suit l’actualité – en tâchant de lire un article sourcé, du début à la fin – je garde toujours dans le coin de l’esprit l’idée directrice qui m’habite temporairement, le projet du texte que je publierai prochainement sur lapartmanquante. Certains mettent plusieurs mois à mûrir !
C’est une ligne directrice qui donne un sens et éclaire l’écume des jours, le phosphore du plancton m’illumine et mes divagations intellectuelles, mes investigations romantiques sur les plages virtuelles, le long des côtes et des mers agitées de ce monde, ne me perdent pas. Car je vois aussi les étoiles qui ponctuent le parcours des navigateurs sans boussole, je lève ta tête et je me repère tout en jouissant de l’ivresse des belles paroles bues durant la nuit, en tendant l’oreille aux sages préceptes, mûres décisions que me chuchote l’aurore au petit matin.
L’écriture, sur le papier ou sur un clavier, reste cependant une pratique, une promenade solitaire. Merci pour m’avoir accompagné sur ces rivages !
Florent Hugoniot, Cd Juarez, novembre 2015

« Espacios », lithographie d’après une poésie d’Octavio Paz – Extrait : « Espace, sans centre ni haut ni bas, se dévore et s’engendre et ne cesse, espace tourbillon » – Florent Hugoniot/Vetagrafica 2014
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RESSOURCES ICONOGRAPHIQUES :
Le Monde des Plasticiens : Philippe Ramette
http://www.artlimited.net/ossiane
http://www.frederic-lecomte.com/
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SOURCES : http://zward.over-blog.com/article-20953113.html
http://www.ajol.info/index.php/ad/article/view/70215
BOURDIEU Pierre ; B. THOMPSON John, Langage et pouvoir symbolique Paris : Seuil, 2001. 423 p. (Collection Points. Essais ; 461)
La nouvelle vulgate planétaire, par Pierre Bourdieu & Loïc Wacquant (Le Monde diplomatique, mai 2000) : http://www.monde-diplomatique.fr/2000/05/BOURDIEU/2269?var_mode=recalcul
Un beau texte, une réaction à « l’état d’urgence » devenu un état permanent en France actuellement : https://blogs.mediapart.fr/mouloud-akkouche/blog/200116/phobie-or-not-phobie
Merci beaucoup.
« Notre jugement moral varie quand nous changeons de langue », par Catherine Frammery
http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/21/notre-jugement-moral-varie-quand-nous-changeons-de-langue_5001335_1650684.html?utm_medium=Social&utm_campaign=Echobox&utm_source=Facebook&utm_term=Autofeed#link_time=1474467054