
Au matin calme du 14 juillet, quelques branchages secs à débarrasser de la terrasse constituèrent la première matière d’une cérémonie du feu dédié au soleil estival : chaleur et lumière nourricières éclairent les ténèbres, font fuir les miasmes et mauvaises énergies. Ce feu rituel a duré jusqu’au soir sous forme de braises chaudes, alimenté par du bois, des pommes de pin, des figues vertes, des aiguilles de pin sèches et quelques feuilles d’eucalyptus, le tout récoltés dans le parc environnant. Tout me disait que c’était le moment propice pour commémorer et honorer ce grand espoir qui s’est levé en France en 1789 parmi le peuple. Un espoir qui a fini par mettre à bas un Ancien Régime décrépi et moisi, un espoir qui a motivé par la suite d’autres peuples du monde à s’émanciper de leurs chaînes.
Certes ce combat n’est pas définitivement gagné, ce sont les même forces réactionnaires, capitalistes, suprématistes, obscurantistes, sectaires, racistes et esclavagistes alors mises à mal il y a 235 ans, qui reviennent régulièrement réclamer leur tribu de terres, de sang, d’or et de larmes. En 2024, elles sont plus fébriles que jamais pour conserver et étendre leur empire sur le monde, car les résistances se font aussi plus pressantes et déterminées.
« Liberté, égalité, fraternité »
Cette devise effraie encore beaucoup de puissants, il est donc toujours bon de donner un coup de pouce aux énergies vives qui la met en application, même si ce neuvième feu allumé à Montpellier était avant tout symbolique. Si un battement d’aile de papillon peut provoquer une tornade, pourquoi un feu sacré ne consumerait-il pas le cul de quelques bougres accrochés aux sommets du pouvoir terrestre, ou des mauvais esprits qui les animent dans des dimensions plus éthérées, dans quelques enfers glacés et désolés ?
Cette devise est aussi le titre d’une de mes œuvres mobiles en céramique, exposée au Mexique en 2023, toujours placée en réserve dans ce pays qui m’a si bien accueilli et d’où il a fallu que je m’arrache en y laissant une part de moi-même, pour revenir vivre dans mon pas natal. J’y retournerai un jour car c’est là que j’ai fait mes premières cérémonies du feu, entre autre. Quand, je ne peux pas me prononcer aujourd’hui… même si le fait de me réconcilier avec moi-même à Montpellier, de retrouver mes racines et ma culture ne me presse pas d’accomplir un nouveau saut au dessus de l’Atlantique. Peut-être que mes ailes ont un peu trop brûlé pendant le voyage et doivent encore se fortifier ici !
Ce neuvième feu rituel que j‘ai effectué seul était placé sous le signe de la vie, de l’été et de la pleine possession de ses moyens. Le 14 juillet se situe selon le calendrier révolutionnaire pendant le 10e mois de Messidor, celui des moissons dorées. Le 11e mois de Thermidor est la période de l’année où la chaleur solaire embrase le sol. Fructidor, 12e et dernier mois du calendrier révolutionnaire, correspond à quelques jours près à la période allant du 18 août au 16 septembre. Il précède le mois de vendémiaire de l’année calendaire suivante.
J’ai hésité à accomplir cette nouvelle geste flambante, car les feux sont désormais très règlementés en France dans l’espace privé, même pour brûler quelques feuilles mortes dans son jardin, cela afin d’éviter les départs d’incendie. Cependant j’ai été rassuré par cette directive :
« La réglementation demande, en dehors de la période stricte d’interdiction du 1er juin au 30 septembre (15 septembre pour les agriculteurs), que toute opération de brûlage d’une ampleur significative fasse l’objet d’une déclaration à la mairie. Les brûlages ne peuvent être pratiqués que pendant la période du 1er octobre au dernier jour de février et entre 10h et 16h. Brûlage de déchets verts issus des obligations légales de débroussaillement Brûlage de déchets verts issus des travaux d’entretien (Taille, tonte,…). »
Mon feu, allumé dans un grand pot en terre cuite, n’était pas « d’ampleur significative » mais se situait dans la période d’interdiction… Cependant, hormis le mobilier de jardin en bois laissé à distance respectueuse, impossible que les dalles du sol, en agglomérat de béton et gravier, ne flambent à cause d’une escarbille. Et puis ce week-end, non seulement de nombreux Montpelliérains étaient partis ailleurs, les pompiers étaient en alerte sur les feux d’artifices et au final, les pétarades et fumées alentour, au soir du 14 juillet, ont couronné cette très sereine neuvième cérémonie.
X
Le calendrier révolutionnaire français
Dès le début de la Révolution, au lendemain du 14 juillet, les journaux, ayant l’intuition qu’un bouleversement s’opérait appellent cette année 1789 « l’an I de la Liberté ». Le vieux comput ecclésiastique (calcul des éléments calendaires utilisés par les Églises chrétiennes) ne pouvait plus présider aux temps nouveaux. Les journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre 1789 marquent un tournant dans la Révolution française, elles mettent réellement le point final à l’Ancien Régime avec les derniers jours de la famille royale à Versailles.
Le calendrier républicain, ou calendrier révolutionnaire français, est un calendrier créé pendant la Révolution française et utilisé pendant la Première République puis l’Empire jusqu’en 1806, ainsi que brièvement durant la Commune de Paris. Pendant la première de ces deux périodes historiques, les actes d’état-civil ont abandonné le calendrier grégorien pour suivre le calendrier républicain. Même les noms des Saints attribués à chacun des 365 jours, selon le calendrier introduit par le pape Grégoire XIII en 1582 de notre ère et toujours d’actualité en 2024, furent remplacés par des mots issus du monde agricole, alors largement prédominant en France à l’époque et jusque l’entre-deux guerres au XXe siècle.
En effet, vers 1930, c’est la moitié de la population française qui vit dans des communes rurales, et encore 47 % en 1946. À partir de 1950 l’évolution s’affirme, 41 % en 1954 (17 millions), 29 % en 1968 et seulement 27 % en 1975 (14,2 millions). L’exode rural vers les villes ou les centres industriels et miniers s’est accéléré à partir des années 1850, prenant le pas sur la croissance naturelle de la population rurale, si bien que l’égalité entre population urbaine et population rurale est observée en 1930. En 2024, plus de 80% des Français vit dans un espace urbain.
L’année du calendrier républicain était découpée en douze mois de trente jours chacun (soit 360 jours), plus cinq à six jours complémentaires ajoutés en fin d’année pour qu’elle reste alignée avec l’année tropique (365 jours). Chaque mois était divisé en 3 décades de 10 jours. La décade remplace la semaine : ses jours sont dénommés primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et décadi. Chaque mois comprend trois décades et l’année se termine avec 5 jours supplémentaires après fructidor ; les années sextiles, un 6ème jour dit de la Révolution est ajouté.
Les noms des mois correspondaient à une période météorologique de l’année : Vendémiaire, les vendanges ; Brumaire, les brouillards et brumes ; Frimaire, froid sec ou humide ; Nivôse, la neige qui blanchit la terre ; Pluviôse, les pluies qui tombent avec plus d’abondance ; Ventôse, les giboulées et le vent qui vient sécher la terre ; Germinal, la germination et la montée de la sève ; Floréal, l’épanouissement des fleurs ; Prairial, la récolte des prairies et la fécondité ; Messidor, les moissons dorées qui couvrent les champs ; Thermidor, la chaleur solaire et terrestre qui embrase le sol ; Fructidor, les fruits que le soleil dore et mûrit.
De plus, à chaque jour de l’année est associé un mot, en général issu du champ lexical de la nature (règne végétal et animal, outils agricoles), ce qui crée un nuage de mots poétique et naturaliste. Le 14 juillet est par exemple le jour de la sauge.
Le calendrier révolutionnaire fut initialement utilisé de 1792 à 1806. Il fut institué le 24 octobre 1793 par la Convention nationale, entra en vigueur le 15 vendémiaire an II (6 octobre 1793), mais débuta de manière rétroactive le 1er vendémiaire an I (22 septembre 1792), jour de proclamation de la République, déclaré premier jour de l’« ère des Français »
Il devient le vestige d’une époque où le rythme des humains s’accordait avec le rythme naturel des saisons. Le dérèglement climatique, l’émiettement périurbain avec les zones résidentielles et commerciales exclusives, la fracturation de la société francaise et la perte des repères culturels se sont depuis installés profondément dans le paysage réel comme imaginaire…
X
.
Florent Hugoniot
***************************************************************************
SOURCES
Wikipedia
https://www.prevention-incendie66.com/lemploi-du-feu/emploi-du-feu-autorise-declaration-de-brulage
http://dreux-par-pierlouim.over-blog.com/2020/01/bonne-annee-228-du-calendrier-revolutionnaire.html
https://www.eponaclic.fr/activites/genealogie/calendrier-republicain/


















