Deux manifestations se sont curieusement déroulées en même temps à Paris ce samedi 12 février. La première, la manifestation pour l’abrogation de la LOPPSI 2 était partie de la Place de la Bastille à 14h30. Malgré un appel à une mobilisation festive sur le site démosphère ( http://www.demosphere.eu/node/22434 ), les manifestants se comptaient seulement par dizaines. A cause du peu d’écho dans les médias, déroutés par ce projet de loi obscur et compliqué, ainsi que par l’étalement dans le temps de son examen, le vote définitif de la nouvelle loi de sécurité intérieure au Sénat est passé presque inaperçu. Quatre jours plus tard ce sinistre 8 février, la mobilisation citoyenne anti-LOPPSI 2 avait pour but d’aller exiger devant le Conseil Constitutionnel l’abrogation de la loi, jugée justement anticonstitutionnelle sur bien des points (lire LOPPSI 2, éteignez les Lumières).
La météo n’était pas non plus de la partie ; la pluie qui menaçait est finalement tombée sur la petite foule de manifestants, coincés au métro Rambuteau derrière Beaubourg. Après s’être engagé par les petites rues du Marais dans un parcours improvisé, depuis Bastille jusqu’au palais Royal, la centaine de personnes attendait là on ne sait quel mot d’ordre. Bref ce n’était pas le succès populaire escompté ni le carnaval créatif promis. Certains jeunes semblaient pourtant très concernés par la mesure d’interdiction des logements alternatifs, mais bien isolés. La conviction était au rendez-vous mais pas le nombre… Les forces de sécurité postées à trois cents mètres de là rue de Rivoli s’en sont même complètement désintéressé !
Les CRS s’attendaient peut-être à plus de remous venant de la deuxième manifestation. A quelques mètres de là, arrivant de la Place de la République par la rue de Turbigo, s’ébrouait un cortège beaucoup plus enthousiaste, chantant, agitant des drapeaux tunisiens, égyptiens, syriens, algériens, et palestiniens ; la manifestation de solidarité à Paris avec le peuple algérien – organisée conjointement à Marseille et dans d’autres grandes villes françaises – regroupait trois fois plus de monde que la première, disons quatre cents personnes. Des hommes et des femmes d’origine maghrébine, jeunes ou vieux, des enfants, emportés par l’élan des révolutions tunisiennes et égyptiennes, chantaient leur joie et demandaient pour l’Algérie aussi un changement politique. C’était un beau soutien, coloré et pacifique, à la journée d’action organisée le même jour à Alger. Le déploiement policier dans le quartier était décidément bien inutile, à part pour créer des embouteillages monstres !
Le contraste était tellement éloquent entre l’immobilisme de la première manif et la fougue de la seconde ! Il est paradoxal aussi de constater comment, sur la rive Sud de la Méditerranée, des libertés sont actuellement gagnées tandis que sur la rive Nord d’autres sont grignotées… Bien sûr la Tunisie et l’Égypte sortent à peine de deux dictatures qui se sont également intensifiée dans ces deux pays pendant 30 ans. La démocratie française elle, bat un peu de l’aile depuis la surenchère politique axée sur la peur de l’autre et la répression. « La patrie des Droits de l’Homme » a effectué en plus de deux siècles de nombreux aller/retour, elle traverse depuis quelques années une nouvelle zone de trous d’air et de turbulences…
Mais aujourd’hui, une brise printanière chargée d’odeurs de jasmin et de musc nous arrive du Sahara. Il souffle le renouveau des consciences et l’appétit de vivre libre et digne. Accueillons ce chaud vent d’espoir, et aidons-le à se propager et à semer ses graines loin dans la forteresse Europe, jusqu’à Bruxelles, jusqu’à Berlin !
Malgré les frontières et au delà des intégrismes, les textes instaurant l’oppression finissent toujours par se déchirer face aux mots qui sonnent juste. Les murailles de Jéricho s’écroulent une deuxième fois, cette fois-ci au son des trompettes de la Liberté !!