Les muralistes mexicains, avec Diego Rivera comme figure de proue, ont ouvert au XXème siècle un chemin fertile au Mexique, pays où la couleur et l’art mural sont reine et roi. Mexico D.F. est ornée de peintures murales, expressions artistiques libres, et des villes comme Puebla ou Oaxaca ne sont pas en reste. Le grafiti y est pourtant ici aussi considéré comme criminel et passible d’amende ou d’emprisonnement, mais les bombes de peinture font fleurir sur les murs des quartiers périphériques des trésors de création graphique et poétique. Je vous propose ici un voyage visuel dans un quartier tout au sud de Puebla (ville qui compte environ deux millions d’habitants). J’ai découvert par hasard le quartier pauvre, atypique et bucolique de San Ramón, où les crews des cités environnantes se donnent des défis artistiques pour conquérir ou défendre leur territoire. Ayant répéré des oeuvres murales intéressantes, j’y suis retourné une journée pour fixer en millions de pixels les merveilles que vous allez voir défiler dans le diaporama ci-dessous.
Art élitiste vs. art populaire
Pourquoi les murales (fresques murales ou grafitis) me passionnent tant en général, et encore davantage ici au Mexique ? Après avoir terminé le précédent article sur la création contemporaine mexicaine Resisting the Present – Mexico 2000/2012, les choses semblent s’éclaircir. Plus que la vitalité et la spontanéité du Street Art, plus que sa réalité éphémère, son aspect populaire et naïf, sa crudité, voire la cruauté de ce langage visuel, c’est sa générosité et son élan vers un ailleurs, un demain qui m’attirent et parfois me captivent. Ici pas besoin de grands discours et de références illustres, le terrain de jeu artistique est libre, sauvage et humble à la fois, des retrouvailles sans chichi avec notre nature humaine aux multiples facettes, avec des préocupations populaires. Ouverture vers tous les possibles, figuration, abstraction, plongée dans les sombres abymes de notre mental, formulation colorée d’espoirs, de phantasmes… Et puis ici le musée, comme la beauté, est dans la rue !
Profusion et débordement
Toutes les combinaisons formelles et graphiques sont possibles dans l’univers du Street Art, l’expression écrite est fluide et pleine de fantaisie. Certaines compositions peuvent faire penser par exemple aux codex précolombiens, qui savaient si bien parler du monde des rêves, des dieux et des lois naturelles qui ont dirigé les anciennes civilisations du Mexique et qui nous gouvernent encore. Les sujets abordés sont vastes comme nos pensées, infinis comme les étoiles dans la voute celeste : peur, désir, puissance, sexe, mort, sublimation, amour et guerre, individualité/société, mixité culturelle et révolution numérique, monde naturel ou artificiel, avancées de la génétique, réalité ou cauchemard, attirances, foi, plénitude… Cette mise en forme de notre inconscient collectif est une traversée du miroir, une echappée onirique, un passage de l’autre côté des villes, dans l’ombre et la lumière des facades, un dévoilement et une capture, une mystification, une percée claire dans le labyrinthe de nos préocupations humaines. Micro et macrocosme sont intimement liés dans une énergie créatrice vitale, débordante et nécessaire.
Voici plus d’une centaine de photos présentées dans le diaporama qui suit, fruit de mes déambulations dans le quartier de San Ramón. Le voyage est sans mesure temporelle, laissez glisser votre esprit, régalez-vous les yeux devant ces murales du XXIème siècle. Et merci à Jaker Ins, Newton, Stik, Conni Comik, Oaxaca, Karmen, Veracruz, Atackados et les autres artistes dont je n’ai pas pu déchiffrer le pseudo, de faire parler les murs des villes et de nous faire rêver. Tout en réveillant nos pensées profondes et notre réflexion sur le moment présent, tout en réaffirmant la réalité et l’identité de chacun face aux forces qui nous dépassent, ces artistes s’avancent librement dans l’inconnu qu’est l’être humain et dans la complexité de la société dans laquelle nous vivons tous, vers ce qui nous relie aux autres et tout ce qui permet de mieux se représenter pour mieux se comprendre. Je me laisse aller vers un certain lyrisme, mais ces murales n’ont pas besoin d’explication, ils parlent d’eux-mêmes…
¡ Ouvrez les yeux / Abre los ojos !
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Photographies et rédaction, tous droits réservés : Florent Hugoniot