Le public, familial et éclectique, attend, sagement assis, sur les gradins en equerre que forment les escaliers de la Plaza Goïta. Cette plazuela, au centre du centro historíco de Zacatecas, est régulièrement occupée en soirée par les payasos, ces clowns typiquements mexicains. Ou plutôt le Payaso, le même qui enchaîne les rôles et les accoutrements, jour après jour. L’autre soir, il s’était travesti en mariée blonde et invitait les machos à danser avec lui/elle une valse grotesque, déclenchant les rires du public.
Mais en cet après-midi légèrement voilé mais doux, il y a du remue-ménage au coin de la tienda de confiseries artisanales. Cinq sihouettes, entièrement noires et féminines, surmontées par cinq parapluies noirs, agrémentés d’un tissu noir tombant jusqu’á la taille et occultant leurs visages, font irruption sur la place. Avec contenance, l’étrange procession descend les marches et fend la foule bariolée. Cinq veuves sexy, cinq mystères… Elles ne laissent découvrir que leurs jambes au galbe parfait – ah les jambes des Françaises – qui surmontent de fins escarpins brillants.
Une fois un atterissage en douceur effectué sur la place rectangulaire, les cinq créatures effectuent, toujours en silence, une ronde grave et désinvolte à la fois. Ce petit manège intriguant achevé, elles s’éparpillent sur la place d’un pas léger. Puis chacune s’arrête, respectant un certain espace de courtoisie entre elles même et le public. Chaque spectateur peut observer d’indicibles différences : ici une boucle de soulier, là un strass sur une jupe, une fermeture-éclair aguichante…
Elles attendent, immobiles ou provocant la foule, toujours sans dire un mot. Seul le claquement des talons sur le pavement gris rythme leurs arabesques légères sur le sol.
Enfin, un spectateur plus téméraire que les autres s’approche, à l’invitation manifeste d’une des dames. Il soulève le voile, comme pour entrer dans un confessional, et disparaît sous le dôme noir. Passent de longues minutes pendant lesquelles les deux moitiés formées par l’actrice et son « client » se font face, échangent en secret. Que se passe-t-il donc là dessous ? Le public n’en saura rien mais d’autres, voyant le visage épanoui du premier spectateur émerger des brumes féminines, veulent tenter leur chance. La performance de l’actrice, son texte, sont destinés à une seule personne à la fois, juste celle qu’elle a choisit.
Nous entrons ici dans le théâtre de l’intime. Mais chut, ne dévoilons pas ces moments uniques que vous aussi aurez peut-être l’occasion de connaître, offerts comme un cadeau de vie, une plongée au coeur de l’être humain.
Florent Hugoniot
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PRÉSENTATION
« La compagnie « La Passante » est née d’un double désir : le désir de silence dans les formes spectaculaires de rue et le désir d’un échange direct avec chaque spectateur au sein même de l’espace public. Sa recherche s’oriente donc sur la création d’espaces et de textes dans une relation particulière au spectateur. « Créer une image qui suggère et surgit brusquement de la nuit pour ne pas s’être montrée, mais avoir été découverte par le regard scrutateur et inquiet du spectateur dans la pénombre. Jouer avec l’ombre dans un monde sans cesse éclairé, faire renaître la nuit, se retrouver face à soi-même avec son instinct, face à l’inconnu. Puis dans cet espace étrange avec lequel le spectateur entre en résonance, créer un lien et lui révéler son désir secret d’un grand amour. Une aventure intime qu’on ne partage pas… par pudeur. »
http://arts2rue.midipyrenees.fr/La-passante.html
Florent Hugoniot©Photo
Rue des Dames à Zacatecas, Compagnie La Passante, avec : Marcabrune Villa, Valérie Surdey, Hélène Dedryvere, Anne-Katherine Régniers, Lile Carguera, et Esther Helias, chargée de diffusion.
http://www.imagenzac.com.mx/nota/una-mujer-paraguas-nseduce-a-los-transe-22-29-44-v3
Très jolies photos, texte poétique et envoûtant, un bel hommage aux Zacatenos/as! Saludos!