Capitale de l’État de Querétaro, située à environ 2h au nord-est de Ciudad de México, Santiago de Querétaro est tout d’abord célèbre en tant que grande ville coloniale et historique du Mexique, avec ses nombreux dômes, ses clochers d’églises et ses places ombragées. Le centre historique, relativement aéré et peu élevé, s’organise en fonction du tracé des rues perpendiculaires, selon le modèle des villes coloniales issues de la Conquista (la ville fut fondée en 1531). Entièrement pavé, il est de style baroque et classique, et mêle influences espagnoles et françaises. Il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, ainsi que l’aqueduc datant du XVIIe siècle et long de plus d’un km, qui fut en activité jusqu’en 1970. Mais la ville de Querétaro est aussi le cœur de la 10e zone métropolitaine mexicaine, une mégapole en expansion fulgurante : en 2010, celle-ci comptabilisait une population de 1.097.025 habitants, en 2016 elle dépassait déjà les deux millions d’habitants. Le centre historique, en partie piéton et mis en valeur, est donc devenu une petite pièce du puzzle urbain dans cette jeune mégapole.
Un peu d’histoire…
En 1810, la ville fut le théâtre de la conspiración de Querétaro, où commença la rébellion d’édiles mexicains qui allait mener à l’indépendance du pays. C’est à Querétaro que fut finalisé en 1848 le traité de Guadeloupe Hidalgo, qui mit fin à la guerre américano-mexicaine, avec la cession aux États-Unis de terrains mexicains qui correspondent actuellement aux États de Californie, Nevada, Utah, Arizona et une partie du Colorado et du Nouveau-Mexique. C’est aussi ici que l’archiduc Maximilien de Habsbourg, abandonné de ses soutiens européens, et bien que soutenu par les Queretanos, se fit fusiller le 19 juin 1867 par les troupes libérales. Et enfin, en 1917 la Constitution fédérale du Mexique y fut signée, ce qui confère à cette ville un rôle historique de premier plan. Querétaro est restée longtemps une ville coloniale préservée, où venait se reposer et se divertir la noblesse espagnole puis la grande bourgeoisie mexicaine. À proximité de San Miguel de Allende ou de Guanajuato, elle fait partie d’un circuit touristique dans la région centre-nord du pays, et figure en bonne place dans les guides, comme ville typique à découvrir.
Querétaro, comme ses alentours, est en plein développement car elle accueille une forte migration économique venue surtout du centre et du nord du pays, ainsi que de nombreuses multinationales (Daewoo, Valeo, Nestlé, Kellogg’s, Samsung, Santander, Bombardier, Eurocopter…) qui attirent également beaucoup d’expatriés. On peut d’ailleurs souvent y entendre parler français du fait de la présence de groupes comme Michelin ou encore Safran. Lors des années noires de la guerre entre les cartels, qui a fait glisser de nombreux États et grandes villes dans l’insécurité et parfois dans des bains de sang quotidiens, beaucoup d’entreprises nationales sont venues s’y relocaliser du fait du calme et de la neutralité qui ont continué à y régner. Cet accroissement s’amplifie car chaque mois, des milliers de Mexicains et Mexicaines s’y établissent, beaucoup avec leur famille, ce qui crée une forte pression démographique et immobilière. De nombreux bars et restaurants sont ouverts dans le centre historique, les possibilités de distractions et de sorties culturelles y sont nombreuses, sans parler des achats de toute sorte. La vie nocturne est à la fois animée et douce.
Une modernité toute en apparences
Pourtant, malgré son revenu moyen des plus élevés par habitant au Mexique, la ville vit une transformation ni maitrisée ni équilibrée. La surpopulation devient une réalité flagrante. L’ajout de ponts et autoroutes supplémentaires enserrant le centre-ville, afin de relier tous les nouveaux quartiers et faciliter les déplacements, ne règle pas le problème du trafic pléthorique. Les embouteillages sont le lot quotidien du centre. Et les deux autoroutes, l’un qui la relie au sud avec Mexico, et l’autre au nord qui dessert les banlieues populaires ou luxueuses de Jurica et Juriquilla sont saturées de voitures et camions. L’atmosphère en ville est souvent surchargée de gaz d’échappements, mais n’existe pas encore ce couvercle rose qui ferme souvent le ciel de Mexico.
Or les autorités municipales et les décideurs économiques ne semblent pas intéressés par un mode de développement différent du moule capitaliste-productiviste imposé partout au Mexique, avec une politique urbaine par exemple plus efficace, plus éthique et (soyons fous !) plus écologique. Querétaro pourrait tirer profit de la forte valeur ajoutée qui s’y crée, de ses perspectives de développement assurées, de son climat tempéré et de sa bonne image – un style de vie agréable, assez éloigné de la frénésie de Mexico – pour promouvoir un modèle urbain alternatif et avant-gardiste : énergies recyclables, transport en tramway, une architecture moins anarchique, moins tape à l’œil, et plus en pointe technologiquement. En général, les édifices et villas y sont de bonne facture et l’esthétique suit la mode contemporaine internationale et relativement impersonnelle, où le béton, l’acier et le verre priment, dans une région sèche et ensoleillée où d’autres techniques de constructions pourraient s’avérer plus pertinentes et moins énergivores. Par exemple en se tournant vers le pisé ou la brique, plus isolants. Au moins on s’attendrait à ce que problème des rues du centre, qui se transforment temporairement en rivières à l’époque des fortes précipitations en été, soit réglé. Ou encore envisager que le petit cours d’eau canalisé qui traverse le centre de Querétaro ne ressemble plus à un égout à ciel ouvert, avec alentour ce petit fumet de contamination chimique si particulier… Bref avoir un peu plus de sens de la collectivité et de l’environnement naturel, couplé à de la vision et de l’audace !
Querétaro, confiante et indolente, préfère se reposer sur la fièvre consumériste pour s’assurer un avenir prospère. Avec la bonne conjecture actuelle, elle se rêve comme une Mexico bis mais réduite à une taille – un peu – plus humaine. Ici aussi la productivité est le grand mot, et la ville se plie, s’étale dans la plaine au nord et grignote les colines au sud qui l’enserrent. Elle se métamorphose dans une course galopante de constructions de tout type, sans réelle perspective urbanistique. De grandes zones résidentielles hyper-protégées, les fameux fraccionamientos aux allures de ghettos de riches – dont certains renferment tous les équipements de commerce et de loisirs jusqu’au golf et lacs artificiels – couvrent plaines et hauteurs, des tours surdimensionnées défigurent le panorama environnant tandis que le centre-ville historique se « gentrifie ».
Très récemment, les services municipaux, appuyés par la police, ont vidé et démonté une zone de tiangis (marché populaire aux bonnes affaires) située devant le grand parc de la Alameda. Une affaire rondement menée le temps d’un week-end et qui a privé de nombreuses familles modestes de leur activité quotidienne et de leur revenu principal. Les quartiers populaires et anciens, en bordure du centre historique, résistent encore à l’expansion du confort aseptisé.
La modernité invasive au Mexique a raison progressivement des régions les plus charmantes, et transforme les périphéries des villes dynamiques en centre commerciaux géants, tout en muséifiant les centre villes et les pueblos mágicos (villages touristiques remarquables) qui deviennent avant tout des promenades sécurisées, des attractions à touristes et des faire-valoir de produits d’artisanat et de haut standing. Les apparences souriantes cachent mal les nombreux travers structurels ou les blessures du corps social, détricoté par l’individualisme, admis comme une vérité élémentaire, et l’hédonisme partout affiché.
Pour autant, Querétaro reste une des plus agréables villes à vivre au Mexique. Voici une petite visite du centre historique et des alentours en images et en couleurs !
Florent Hugoniot ©photo