
« Moi non plus je ne sais comment vivre… J’improvise. » Acción Poética, Escobar
Il y a vingt ans, les murs de Monterrey ont commencé à se couvrir de phrases intrigantes et stimulantes, peintes à la main sur un fond blanc. Chargées de signification mais aussi d’émotion, formulées d’une manière à la fois directe et percutante, elles étaient simplement signées « Acción Poética » (Action Poétique), un projet qui conjugue art urbain et poésie au quotidien. Depuis, ces micro-poésies en noir et blanc ont fleurit dans tout le Mexique, et elles y sont aujourd’hui présentes dans plus de 180 villes. Ce mouvement littéraire urbain a aussi traversé les murs et les frontières pour se manifester dans une trentaine de pays, particulièrement dans le monde latino et hispanophone.
Né exactement en 1996 dans la continuité de la vague street art, grâce à son initiateur le poète mexicain Armando Alanís Pulido, Acción Poética propose de re-poétiser la rue et de ré-inspirer le quotidien. Ce mouvement artistico-littéraire, qui promeut les actes d’écriture mais aussi de lecture, lance des pistes de réflexion pour les citoyens du monde. Il a ses propres règles : une seule phrase courte, en général composée avec un maximum de huit mots et écrite en lettres majuscules d’imprimerie sur un fond blanc, un espace mural préparé au préalable comme une grande page vierge.
Le projet Acción Poética n’adhère à aucune religion ni parti politique. Les artistes-poètes sont anonymes et signent avec le nom de ce mouvement, créant de cette façon un sentiment d’appartenance, de communauté diffuse (un peu comme Anonymous). Certains cependant se permettent d’apposer leur propre nom, la ville ou un pochoir noir. Ces calligraphies parfois soignées, parfois dansantes imposent le signe comme une nécessité vitale et une présence concrète. Ainsi, la rythmique poétique devient inclusive en se prolongeant en chacun d’entre-nous. Elle joue de l’interface urbaine, de l’urgence de l’expression et de l’immédiateté de la réception, toutes ces impressions qui abolissent la notion de temps et bousculent les horizons. Ce sont des phrases remplies d’optimisme, des fragments d’œuvres littéraires, de chansons et des vers où l’amour comme le questionnement intime sont les deux centres de gravité – ou de légèreté !
Le mot redevient un élément d’innovation et de revalorisation, la lettre une matière pour les jeux de mots, les pensées furtives et fluides. La parole constitue pourtant la colonne vertébrale d’une société qui, si elle lisait plus de poésie, serait sans aucun doute plus humaine et réflexive. Ou au contraire s’écroulerait sur sa propre vacuité intérieure. Revenir à une forme de présence physique et spirituelle, dans un monde ou prime le virtuel et l’accélération du temps. Donner un repos à l’œil et faire face, affronter tant d’imprécations comme le DEVOIR-ÊTRE / SAVOIR-FAIRE/AVOIR mises en avant par le système capitaliste. Opposer ÊTRE et EXISTER. Voici quelques présupposés d’Acción Poética.
La valeur à la fois intemporelle et éphémère de la poésie offre au passant quelque chose qui l’invite à sortir de sa routine et de la léthargie qui l’accompagne inévitablement, à ne pas seulement suivre des itinéraires balisés mais à sortir de son moi, à penser, à s’échapper… Elle est donc un trait d’union entre le peintre-écrivain et le lecteur-passager.
Et quel meilleur livre à ciel ouvert que ces murs qui ferment, mais qui ici relient, pour porter un angle de vue ? Pour refléter en creux le vide d’existences formatées, pour s’exprimer et s’exposer aux regards, pour afficher l’empathie, trame induite de la communication humaine, et souligner la profondeur du partage ??… Selon le gré de nos humeurs, au fil des jours, nous nous sentons confus, désenchantés, vides ou au contraire amoureux, enthousiastes et plein d’énergie. La poésie nous rappelle ainsi que nous nageons tous dans les mêmes courants contradictoires, ascendants, insondables ou superficiels. Ces phrases poétiques nous touchent et nous traversent, elles résument des sentiments communs, elles formulent ce que le passant peut ressentir en ce moment-même au fond de soi. Elle donnent une orientation aux âmes dispersées.
« Une action poétique est une récupération et une revalorisation du graffiti littéraire public, au milieu des œuvres à caractère plastique, dénommées art urbain. (…) Dire plus avec moins est l’un des prémisses de ce projet. L’action provoque une réaction et une réflexion. Dans ce cas la réaction a été phénoménale. »
Armando Alanís Pulido, poète mexicain et fondateur d’Acción Poética
Non seulement la poésie transforme le paysage urbain et enrichit de sens des quartiers ou des villes souvent socialement délaissés – Ciudad Juarez dans sa détresse face aux guerres des cartels au Mexique est particulièrement réceptive à ce mouvement artistico-littéraire – mais elle transforme également notre vision du monde. Et cette énergie n’a ni limites, ni frontières !
Florent Hugoniot
- Seulement est vaincu celui qui ne rêve plus
- La cage s’est transformée en oiseau
- C’est quand la dernière fois que tu as fait quelque chose pour la première fois ?
- Tu as l’honneur de te tromper
- Bises je comprends, parfois non
- Si tu ne tardes pas trop, je t’attendrai toute la vie
- Dans ma folie, j’ai rencontré la liberté
- Je ne sais pas ce que tu verras en moi, mais continue à me voir
- Mon fantasme textuel est que tu me manges/virgule et point final
- Je ne savais pas quoi me mettre, et je me suis mis heureux
- Les temps difficiles approchent. Aimer est une urgence
- Dormir tôt pour rêver de toi plus longtemps
- Sans poésie, il n’y a pas de cité
- Octavio Paz, 110 ans
- J’ai le doute que ne doute pas que je t’aime
- Bonne journée, toi qui as lu sans vouloir
- Je t’ai vu et j’ai dit : je suis d’ici
- Ce n’est pas que je meurs d’amour. Je meurs de toi
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SOURCES : http://masdemx.com/2017/03/35-mejores-frases-de-accion-poetica-por-las-calles-de-mexico/