Selva Lacandona, Arbre de Vie et mythes mayas

La forêt maya en danger

Pour les Mayas, la forêt est sacrée car elle est source de toute vie. Elle est leur mère nourricière, la Selva Maya, Selva Madre. Grâce à elle, les nuages s’arrêtent en s’accrochant aux plus hautes branches, pour fondre en eau jusqu’au sol, sur la canopée et la végétation intermédiaire, pour ensuite former rivières et cascades. Les animaux s’y abreuvent, les végétaux assurant la nutrition et les usages domestiques sont régulièrement arrosés ainsi que les plantes médicinales. Le Mexique recenserait ainsi 4500 espèces parmi la pharmacopée mondiale, juste derrière la Chine qui en compte environ 5000.

Et c’est plus particulièrement au Chiapas, dans l’extrême sud-est du pays, à la frontière avec le Guatemala, qu’est concentrée environ un tiers des espèces végétales et animales. Un paradis de la biodiversité devenu une source de profit pour certaines multinationales du secteur pharmaceutique. L’antique civilisation Maya avait une grande science des plantes, comme du vivant en général. Cela ne l’a pas empêché de disparaître, du fait de la déforestation et de la surexploitation des richesses naturelles, de la consanguinité et des guerres tribales pour assurer les sacrifices humains. Mais ses descendants, qui vivent dans les montagnes du Chiapas en petites communautés depuis des siècles, sont de fait très sensibilisés historiquement à l’équilibre que l’espèce humaine se doit de garder avec son environnement naturel, pour sa propre survie. Or la région du Chiapas, et plus particulièrement la Selva Lacandona tout au sud, est devenue la proie des investisseurs internationaux, et cette forêt primaire exceptionnelle du point de vue des conditions climatiques et de la diversité de sa faune (on y trouve encore le mythique jaguar) et de sa flore, est actuellement en danger. C’est non seulement l’écosystème de la région, mais aussi toute une culture ancestrale qui sont menacés aujourd’hui et qui, avec l’aide des zapatistes, doivent faire acte de résistance. Il y a encore un siècle, la forêt primitive recouvrait trois fois plus de superficie, une grande part du sud-est du Chiapas. Aujourd’hui, il n’y a plus que la zone protégée, transformée en réserve de la biosphère (Reserva Integral de la Biosfera Montes Azules et Reserva de la Biosfera Lacantún) depuis 1978 et une petite partie sous contrôle de l’UNESCO (Palenque) qui conserve sa biodiversité, le reste du paysage étant morcelé par l’exploitation agricole moderne. Même si les pressions mercantiles se font de plus en plus fortes, il est toujours très difficile de s’aventurer dans cette partie « sauvage » du Mexique, où les routes sont très rares.

Cascade d'eau pure dans la réserve de Palenque

« La Selva Lacandona est toujours la plus grande forêt tropicale de montagne en Amérique du Nord et l’une des dernières existantes, assez grande pour accueillir les jaguars. Elle contient 1500 espèces d’arbres, 33% de toutes les espèces d’oiseaux mexicains, 25% de toutes les espèces animales du Mexique, 44% de tous les papillons diurnes mexicains et 10% de toutes les espèces de poissons du Mexique.  »

(Source Wikipedia)

Croix, arbres-esprits et cycle de vie

Croix maya/catholique de San Cristobal

La cosmogonie maya est très poétique, bucolique pourrait-on dire, qui relie l’espèce humaine, alors déjà dominante sur Terre, aux végétaux et aux arbres. Ainsi, lorsqu’un homme ou une femme meurt, son corps est déposé a l’intérieur d’une pyramide ou dans une grotte, entrée symbolique de la montagne et de linframonde, afin que son âme s’élève et voyage dans la nuit du non-être. Elle est accompagnée par son jaguar-guide, qui l’aidera à trouver la lumière et ainsi à se réincarner, à se métamorphoser en une autre espèce vivante. Par exemple les grands pins accrochés sur les flancs des montagnes reçoivent et continuent à faire vivre l’esprit des défunts. Chaque arbre est un ancêtre. Dans ce grand cycle de vie, l’âme, l’essence des hommes ne disparaît jamais, mais se transforme. La symbolique de la croix est très présente, elle précède l’arrivée des Espagnols. On trouve par exemple des croix/arbre de vie sur les bas-reliefs mayas. Métissage des cultures mésoaméricaines et catholiques, celle qu’on trouve un peu partout au Chiapas est similaire à la croix chrétienne, exempte de la dépouille du Christ. Ce fut aussi une représentation de la plante du maïs. Aussi, quelle surprise pour les conquistadors espagnols de voir des croix vertes dressées sur certains temples mayas, à leur arrivée dans le Yucatán.

Arbre de vie maya au centre du bas-relief, tombe de Pakal, Palenque

Chiffres symboliques 3 et 4 et maïs originel

Sculpture en angle d'un "Homme-maïs", San Cristobal de las Casas

Les Mayas n’ont donc eu aucun mal à intégrer la croix des missionnaires catholiques à leur panthéon sacré. On la voit à l’entrée des villages, dans les cimetières, décorée de branches de pin, souvent en triple exemplaire puisque le chiffre trois est sacré chez les Mayas (trilogies soleil/ciel/lune, orient/zénith/ponant, grotte/montagne/cosmos, masculin/féminin/divin, etc..). La croix est aussi le symbole du lien cosmique entre inframonde, terre et ciel, comme la représentation des 4 directions mythologiques et géographiques : EST/aube/printemps/feu/avenir/ROUGE ; NORD/zénith/été/air/féminin/dessus/BLANC ; OUEST/Crépuscule/automne/terre/passé/BLEU-NOIR ; SUD/nadir/hiver/masculin/dessous/JAUNE.

Selon les mythes de la création mayas et aztèques, l’espèce humaine fut crée par les divinités à partir du maïs, base alimentaire en Amérique centrale. On retrouve ces 4 couleurs dans les types de maïs : blanc pour les os, jaune pour les chairs, rouge pour le sang et noir pour les cheveux et les yeux. À noter que ces 4 couleurs correspondent aussi aux 4 couleurs de peau des hommes et femmes sur la planète Terre.

Cimetière dans les environs du village de Tenejapa, Chiapas

Ceiba, l’arbre sacré des Mayas

Ceiba, arbre sacré maya

Le Ceiba ( Ceiba pendrata, kapokier, fromager ou encore bois coton) est parmi tous les arbres le plus sacré des Mayas. Yaxche ou Yakch´e, il est la représentation terrestre de l’arbre de vie. Étrangement de structure géométrique, parfois quasi symétrique, ses branches accrochées perpendiculairement par deux ou trois sur le tronc forment des motifs de croix en trois dimensions. Ceiba est un arbre sacré, similaire à celui de la connaissance dans l’Éden judéo-chrétien. l’Axis mundi des Mayas présent dans nombreuses autres civilisations. Planté sur les places principales dans les cités mayas, comme en Afrique occidentale, il est l’arbre à palabres sous lequel se tenaient les délibérations lors du conseil des sages.

« C’est l’un des plus grands arbres de la forêt vierge mésoaméricaine. Il peut atteindre de 30 à 70 mètres de haut et s’élever au-dessus des autres arbres, rivalisant en hauteur avec les temples mayas (à moins que ne ce soit l’inverse). Une de ses  particularités est d’avoir des branches qui partent quasiment à la perpendiculaire du tronc, symbolisant en cela les 4 directions du monde. Enfin, il abrite tout un écosystème, des mousses, des champignons, des insectes, des reptiles, des oiseaux. C’est, en somme, un véritable arbre de vie… »

4-AHAU.com

Un des derniers paradis sur terre en risque d’extinction

Les arbres sont donc des lignes de force, qu’il convient de respecter, de couper soigneusement et d’une manière mesurée pour l’utilisation humaine. Or plus de deux tiers de la forêt des Lacandons a disparu depuis un siècle, du fait d’une exploitation intensive et incontrôlée. D’où la réaction des zapatistes en 1994, lorsque fut signé le traité de grande zone d’échange commerciale entre le Canada, les USA et le Mexique, l’ALENA pour l’Amérique du Nord, ouvrant la voie à une exploitation toujours plus intensive des ressources naturelles pour le plus grand bonheur des multinationales canadiennes – particulièrement offensives dans cette zone – et étasuniennes. Ainsi Coca Cola, qui a besoin d’une quantité exponentielle d’eau potable pour fabriquer son soda (9 litres d’eau pour 1 litre de Coke, mais les estimations varient) achète des concessions d’eau partout en Amérique centrale, tout en contaminant les nappes phréatiques, comme à San Cristobal de las Casas. Le volcán del Huitepec, ancien volcan éteint, y constitue une énorme réserve d’eau potable pour toute la région, mais a été livré à l’exploitation à la firme d’Atlanta pour un prix dérisoire, certainement jusqu’à l’épuisement du stock d’eau. Coca Cola se délocalisera alors ailleurs, ne laissant pour la population de San Cristobal que les yeux pour pleurer. L’immense réservoir d’eau que constitue l’Amérique centrale sera-t-elle entièrement privatisée avec l’appui des gouvernements nationaux ? Les perdants seront toujours bien sûr les populations locales spoliées, les collectivités indigènes parfois déplacées voire massacrées. De quoi vous passer l’envie d’un Coke bien frais…

Peuple lacandon, les « hommes verts »

Le peuple des Lacandons, un terme dérivé du río Lacantún et espagnolisé est formé de deux sous-groupes, l’un venant du Yucatán et l’autre du Guatemala. Ils s’appellent eux même hach winik ce qui signifie « hommes verts », et leur dialecte, dérivé du maya du Yucatán est le  hach t’an qui signifie “langue verte ». De légères différences linguistiques existent entrent les groupes habitant la forêt. Depuis plusieurs siècles de colonisation par la couronne espagnole puis de néo colonisation des pays occidentaux (et particulièrement du nord du continent américain), leur territoire n’a cessé de diminuer du fait de la déforestation, due à la surexploitation des bois précieux, de la monoculture intensive et de la vraie richesse du XXIème siècle, l’eau. Ainsi les plus grands arbres centenaires ont été massacrés et les espèces animales ont décliné en population. Il est plus qu’urgent aujourd’hui d’inverser le cours des choses, sinon dans quelques années la superficie de la forêt, limitée au parc naturel, ne sera plus suffisante pour assurer la survie des espèces animales et végétales, et par là même celle du peuple lacandonien.

Rédaction et photographie : Florent Hugoniot

Sources : http://www.eschiapas.org/2008/12/los-lacandones/

http://4-ahau.com/Calleman_3.html

Wikipedia

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