Il en va des mots comme des choses et des artefacts humains : à un moment donné, certains surgissent du langage courant, de la masse des usages confus et des termes indifférents au changement, éclairés par les feux tremblotant du quotidien. Ces objets familiers, ombres de nos pensées et de nos mouvements, traces de nos volontés et de nos actions, prennent ainsi un nouveau relief. Comme si on les voyait sous un autre jour.
Tandis que d’autres mots sont fabriqués, ciselés, puis articulés au discours pour les nouveaux besoins de l’époque. Pour exprimer un moment de l’histoire, pour dire notre vécu, nos particularités sociales. Comme le gaspillage ici aussi n’est pas permis, la parole les use jusqu’à la corde, les vide puis les réutilise. Quelques-uns auront le privilège des hommes illustres et seront sacralisés, deviendront un mythe à eux seuls : ils resteront gravés aux frontons de nos temples ou de nos édifices publics, l’espace d’une période plus ou moins définie.
Certains mots s’émancipent, se libèrent dans la fulgurance poétique, s’incarnent dans le doute philosophique et, baignés d’un soleil intemporel, chauffent notre intelligence et nos coeurs à la chaleur de leur essence subtile. Ces mots, les artistes, les écrivains, les philosophes savent les récupérer dans leur épuisette pour les relancer à l’eau, dans le courant du langage, après leur avoir insuflé de la vitalité et redonné du sens.

« Sil y avait plus d’écoles de musique que de militaires, dans les rues il y aurait plus de guitares que mitraillettes, et plus d’artistes que d’assassins. »
D’autres mots encore, dépassés, vidés de leur sens s’effritent et tombent en désuétude. Tels des socles de marbre retournant à la poussière, âmes déchues, ils replongent dans le tout, dans le flux des usages banalisés, viciés, ou s’égarent dans les archives du temps. Le signifié se fond sur les parois de l’existence, accroche encore le regard dans le jeu en miroir des représentations, puis disparait avec le signifiant dans l’oubli et le néant.
D’où viennent-ils, ces nouveaux mots ? Qui les crée, comment se propagent-ils dans le langage courant, pourquoi un terme, une expression, un acronyme, deviennent-ils À LA MODE, puis passent et se fanent ?
» Le monde change, et avec lui les hommes et la France elle-même. Seul l’enseignement français n’a pas encore changé. Cela revient à dire qu’on apprend aux enfants de ce pays à vivre et à penser dans un monde déjà disparu. «
Albert Camus
Cependant nous ne vivons pas – encore – exclusivement notre vie à travers les échos de fichiers mp3, les images diffractées par les tablettes, les petites phrases lapidaires et les formules magiques retwittées à l’infini.
Nous vivons dans des entités clairement identifiées, des territoires géographiques, écosystèmes humains et naturels. J’ai voulu dans ce texte me focaliser sur trois termes emblématiques de l’actualité mais aussi d’une dérive lexicale persistente : la France, Charlie et la République.
De quoi la France est-elle le nom ?
La France est un terme qui, à force de glissements sémantiques, en plus de ses nombreuses significations, démontre bien l’impossibilité, la vanité de vouloir donner une seule et unique définition à un mot. Aussi vain que de trouver l’archétype du Français, de la Française, à moins de verser dans la caricature ou la formulation politique douteuse, voire fumeuse…
La France, en forme longue la République française, est un pays d’Europe de l’Ouest, mais qui comprend également plusieurs régions et territoires d’outre-mer disséminés sur plusieurs océans. Politiquement, il s’agit d’une république constitutionnelle unitaire ayant un régime semi-présidentiel. Elle a pour capitale Paris, pour langue officielle le français et pour monnaie l’euro. Sa devise est « Liberté, Égalité, Fraternité », et son drapeau est constitué de trois bandes verticales respectivement bleue, blanche et rouge. Son hymne est La Marseillaise.
Wikipedia
France : Une nation moderne, un symbole, la pointe de l’Europe occidentale, une société mixte, pluriethnique et multiculturelle, un refuge de chauvinisme, une histoire glorieuse, le Pays des Lumières, l’ex-phare des pays progressistes, un terroir fleurant bon le fromage de chèvre et le petit vin blanc sec… Tout cela à la fois !
Combien d’homme et de femmes politiques ne l’invoquent-elle pas, La France, surtout depuis la percée des nationalismes en Europe, et la menace du retour des extrême-droites se revendicant d’une seule culture, d’un seul peuple, d’une religion unique ?
Nous avons assisté véritablement à une OPA sur le mot France, depuis que le libéralisme a été errigé comme nouvelle religion d’État dans les années 80. La marque France, synonyme de qualité et d’inventivité a toujours fait vendre. Mais depuis 40 ans, toutes les pirouettes sont bonnes pour accoler à n’importe quelle marque de multinationale, dont le siège social se trouve à la Défense ou dans un de ces nombreux quartiers d’affaires des quartiers bourgeois, tous les imaginaires positifs que suscite le qualificatif. Un laboratoire de cosmétique tricolore ne peut pas décemment s’avancer sur les gondoles des supermarchés et devant ses actionnaires sans afficher en base line PARIS bien visible. Même chose pour FRANCE.
La France est avant tout une constructon historique, à laquelle ont contribué des personnalités mais aussi des millions d’anonymes. c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de Copyright sur le mot France. Impossible a priori de détourner un tel symbole, ce fond commun, ou du moins de l’utiliser dans un but commercial. Et pourtant si, pour certaines marques c’est tout à fait possible et même souhaitable, c’est gratuit et ça ne mange pas de pain ! Evidemment les imposteurs choisiront pour faire valoir leur produit les meilleurs aspects de la marque France, les plus prestigieux ou les plus consensuels, c’est selon, ; en tout cas, ceux qui font vendre.
Ainsi la Tour Eiffel – que n’a-t-elle été déjà vendue des millions de fois ! Reprise, dessinée, photographiée – semble définitivement associée aux Galeries Lafayettes, depuis que Jean-Paul Goude s’est occupé des campagnes d’affichage des célèbres grands magasins parisiens.
Un croquis de Tour Eiffel avait été subrepticement glissée dans le logo, avec un élan certain. Cette contorsion graphique n’est pas forcément lisible mais l’effet est bien là : incrire dans une partie du cerveau du spectateur cette association Lafayette/Tour Eiffel, joli tour de force ! Déjà que le nom de ce héros de la Guerre d’indépendance américaine finisse au rayon layettes…
Que des événements culturels internationaux, des chambres du tourisme, des écoles de langue françaises et les fleurons de l’art de vivre à la française (parfum, mode/habillement, cosmétiques, décoration/artisannat) usent et abusent des clichés de notre pays, cela ne choque pas outre mesure.
Mais lorsqu’on est dans le monde pur de l’entreprenariat et des fonds d’investissement, la parade est plus discutable : au nom de la France, de son élégance, sa réputation, la BNP-Paribas ou la Société Générale vont investir dans des projets écologiquement dévastateurs aux quatre coins du monde. Les vendeurs d’armes lourdes vantent le Made in France sans scrupule, mort from France peut-être… L’aéronautique hexagonale, c’est premièrement Airbus : côté face, les vols passagers et commerciaux, côté sombre l’aviation militaire – qui d’ailleurs n’a pas l’air très au point depuis le crash récent d’un gros container en Espagne, ou alors il y aurait un grain de sable dans les mécanismes parfaits et high-tech de l’appareil, sachant que la guerre commerciale aussi fait rage ?…
Thales, Dassault, nos champions de la “défense”bref de la guerre et de l’exportation agressive, subventionnés à grand renfort d’aides publiques et de détaxations, aux méthodes de persuasion huilées et appuyées par des pot-de-vin bien français !
La France des grandes capitaines d’industrie, célébrés par tant de gouvernements depuis Mitterrand : Tapie, Lagardère, Arnault, Pinault, qui ont pu se constituer des fortunes colossales, tout simplement au détriment de leurs salariés, et pas seulement comme ils aiment à le faire croire, grace à leurs talents divinatoires pour les placements fructueux. D’ailleurs combien de combines, d’entreprises familliales torpillées, de collectifs d’ouvriers broyés pour arriver au pinacle du néo-libéralisme à la française ?
Difficile de s’identifier à cette France-là, non ? C’est pourtant celle qui bénéficie des relais les plus puissant et les plus bruyants de par le monde. Mais il en est des mythes comme des personnalités adulés du (Show)business : Stars étincelantes d’un jour, poussières d’étoiles pour les lendemains qui déchantent…
Où est Charlie ?

Où est Charlie ? (Where’s Wally?) est une série de livres-jeux édité par Martin Handford où le lecteur doit réussir à retrouver un personnage, Charlie.
À la suite des attentats perpétrés dans les locaux de Charlie Hebdo et tuant 12 personnes réunies en comité de rédaction ce mercredi 7 janvier 2015 (des journalistes, des caricaturistes, un économiste, et dont les noms de Wolinsky, Cabu, Charb, Maris continuent de résonner) les clivages de la société française ont réapparus au grand jour, ils ont même explosé. Alors que des dizaines de manifestations s’organisèrent spontanément les 9 et 10 janvier, le gouvernement de Hollande/Valls, par conscience républicaine diront certain, par pure récupération politique diront d’autres, ont appelé tous les Français(es) à aller marcher dans les rues des grandes villes du pays endeuillé, traumatisé, en soutien à Charlie hebdo.
C’est ainsi que le dimanche 11 janvier à Paris, plus de 1,5 million de citoyens choqués, émus, heureux de partager un moment hautement symbolique, ont defilé derrière une cinquantaine de chefs d’Etat (dont Benjamin Netanyahou, le boucher de Gaza, Angela Merkel, la reine du TINA en UE, et deux ou trois dictateurs africains, un ex-président Sarkozy jouant des coudes pour être sur la photo) pour défendre des valeurs communes à la maison France : le slogan LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ pouvait se lire sur quelques panneaux bricolés maison, et d’autres pour le droit à la caricature des religions, à l’humour, à l’irrespect.
Une belle “Marche Républicaine” contre le terrorisme, en soutien aux victimes des attentats et pour “la liberté d’expression”, déjà entachée de manipulation, et malheureusement stoppée quelques mois plus tard avec les véléités sécuritaires du méme gouvernement et le passage express puis le vote à l’Assemblée Nationale de la Loi Renseignement. Un Patriot Act franchouillard, une loi liberticide pour laquelle les responsables avaient juré leurs grands dieux que non, ils ne tomberaient pas dans le panneau des attentats du 11 septembre à New-York qui ont restreint considérablement les droits civiques des citoyens des USA. Une loi sur mesure, pourtant déjà en préparation et pas uniquement circonscrite au terrorisme. Elle touche aussi au secret des affaires, à la liberté de conduire des investigations journalistiques et judiciaires indépendantes, à la légitimité des pouvoirs et comporte un risque de renforcement de l’impunité dans les plus hautes sphères. Cette Loi Renseignement est dénoncée par de très nombreuses associations des droits de l’homme et de la défense de la liberté et de la neutralité du Net. Ici le lien pour la pétition pour le retrait sur le site Change.org.
Un déferlement de JE SUIS CHARLIE a eu alors lieu dans le monde entier, chacun voulant, en soutien aux victimes, aux famille des victimes, à la France, à la Liberté, à la Vie contre Mort, s’approprier un hastag devenu une icône en quelques heures, épingler au revers de son veston, le poster en rappel sur son profil Facebook.
Mais qui est Charlie ? Celui de Charlie Hebdo bien-sûr, titre d’hebdo satyrique lui-même inspiré de Charlie Brown, célèbre personnage de bande dessinée anglaise imaginé par Charles Schulz, faisant état de ses doutes existenciels et de son incrédulité aux côtés de son non-moins célèbre compagnon/mascotte Snoopy, le chien philosophe ! Mais aussi le Charlie de la BD plus récente pour jeunes enfants, un personnage du Club Dorothée perdu dans la foule des villes, des plages et qu’il faut identifier…
Identifier qui furent exactement ces Français et Françaises présents dans les manifestations qui ont “spontanément” fleuri aux quatre coins de l’Hexagone n’est pas une mince affaire pour les journalistes, chroniqueurs et sociologues ! Ils étaient principalement blancs, de catégories socio-professionnelles encore un peu épargnées, de gauche surtout mais aussi de droite, du centre, partisans des droits de l’homme fondamentaux, progressistes et progressants…
Toujours difficile de faire des généralités mais le refus de certains jeunes ados scolarisés en banlieue, de participer à la minute de silence, a semble-t-il suffit pour ébranler cette belle cohésion nationale, ce lamento de deuil.
Le nombre total de manifestants à travers la France est estimé par le ministère de l’intérieur à plus de 4 millions sur les deux journées, dont plus de 1,5 million le dimanche 11 janvier à Paris, ce qui en fait le plus important rassemblement de l’histoire moderne du pays. Parallèlement, de nombreuses manifestations et rassemblements de soutien ont eu lieu dans le monde, avec en particulier 30 000 manifestants à Montréal.
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La Gauche c’est par ici ou par là SVP ??

Cortège officiel de la manifestation du 11 janvier 2015 – Liberté d’expression ? – http://www.lemonde.fr/politique/video/2015/01/12/defile-des-chefs-d-etat-et-de-gouvernement_4554433_823448.html
Quelle imposture pourtant que cette manifestation encadrée, récupérée par un pouvoir aux abois, à l’affut du moindre sursaut populaire dans des sondages désastreux ! L’occasion était trop belle, les conservateurs de la rue Solférino s’en sont emparés fissa fissa. Au passage, on remarquera comment le terme GAUCHE en tant qu’orientation politique a été dévoyé et vidé de son sens par ses principaux représentants sur “l’échiquier politique” : le Parti Socialiste. Mais je ne m’attarderai pas sur le sujet. Pour ceux qui en doutent encore, regardez les actes avant d’écouter les beaux discours – celui du Bourget, en clôture de la champagne de François Hollande restera das les annales avec “Mon ennemi c’est la finance” – et jugez si depuis 30 ou 40 ans de pouvoir, les socialistes ont pu changer quoi que ce soit au raz-de-marée néolibéral en France et en Europe.
Voir cette présentation de « La deuxième droite » de Jean-Pierre Garnier, sur l’excellent site Les Mutins de Pangée. Lire également Sexe, mensonges, vidéos et socialisme.
Parfois le PS a aménagé, encadré, d’autres fois accéléré, mais jamais remis en question l’orientation capitaliste et productiviste, axée sur le PIB et le reprise de la sempiternelle « Croissance ».
L’imposture apparaît en 2015 dans sa lumière la plus crue, avec les loi Macron et Renseignement, et le terme “gauche” est un archétype de détournement d’un mot, d’un symbole, pourtant reprís toujours en coeur pour désigner un parti institutionnel, libéral avant d’être social, ou tout bêtement conservateur.
Un bel exemple de récupération de masse, créant un clivage digne de l’affaire Deyfus avec les pro-Charlie (dont bien peu avaient connaissance des teneurs politiques et idéologiques parfois puantes de l’Hebdo à l’équipe sacrifié) et les anti, les JE SUIS CHARLIE aux JE NE SUIS PAS CHARLIE, un manipulation qui enflamme les polémiques, nourrit les justifications et les discussions sans fin sur les forums virtuels, en atteste par exemple de nombreux articles, billets et commentaires sur Mediapart, sur Agoravox, sur Arrêt sur Image…
La République, c’est quoi, c’est qui ?
Le détournement de l’adjectif « républicain » par une partie de la droite française vaut aussi son pesant de cacahouettes ! Récemment, Nicolas Sarkozy, certainement désireux de faire oublier les casseroles brinquebranlantes qui chantent derrière l’UMP (ex RPR de Jacques Chirac) a fait part de sa décision de renommer le Parti politique dont il est de nouveau le Numéro Un “Les Républicains”. On connaissait sa fascination pour tout ce qui touche aux USA : la gloire et les Rolex, le footing autour de la White House, le ranch des Bush, sa culture entrepreneuriale, ses castes et ses passe-droits dont le meilleur passeport est un belle liasse de $ ou un paquet d’actions qui travaillent sur un compte bancaire virtuel…
République
(latin republica, de res, chose, et publicus, public)
Le terme provient de l’expression latine et romaine res publica, elle-même issue de res populica, c’est-à-dire la « chose du peuple ». Forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social. (En ce sens « république » s’oppose à « monarchie », mais ne se confond pas avec « démocratie », dans l’hypothèse, par exemple, d’une restriction du suffrage.)
Larousse
Bon, au moins c’est clair, Les Républicains-ex-UMP-ex-ex-RPR s’engagent dans les mêmes déshérences et absurdités de la droite conservatrice étasunienne. Lire aussi cet article sur Libération.
Ne manquent plus que les joyeux socialistes, jamais en retard d’un train de com, pour se rebaptiser “Démocrates”, qui courronerait dignement ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme une droite progressiste tendance sociale.Le jeu des alternances est aussi bien rodé désormais en France qu’aux USA, sans aucune remise en question du libéralisme. Je propose pour ma part “Les Démocrites”, une contraction de démocrate et hypocrites !
C’est toi, c’est nous…
Tout ça serait bien risible si il ne s’agissait pas tout simplement d’un nouveau tour de force pour accréditer deux ou trois partis unique entre lesquels la perméabilité des idées les plus puantes et réactionnaires, voire antidémocratique, n’est plus à démontrer. le FN, qui a si bien su récupérer deux emblèmes nationaux avec sa flamme tricolore comme logo, et ses incantations à Jeanne d’Arc, est en 2015 un parti normalisé, banalicé et prêt à prendre les commandes du pays, possiblement en 2017 pour les prochaines elections présidentielles en France.
Alala tous ces professionnels de la politique et de la com qui jouent sur la corde du patriotisme, on se croirait reparti en 1914 !
Une armée de muets ?
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Le détournements de mots sont légions et dépassent ces quelques exemples. On devient si aisément un “integriste” de nos jours, dès que votre opinion devient un peu radicale, ultra ou d’extrême-gauche (ex-socialistes). Que dire des deux mots si polémiques ISRAËL/PALESTINE, sujet à tant de crispations identitaires et objet de conflits (De quoi la Palestine est-elle le nom ). L’ État d’Israël, sous la pression des ultra-orthodoxes qui tiennent toute la vie politique de ce jeune État (déclaration Balfour de 1917), tête de pont des démocraties et des intérêts occidentaux, se définit depuis quelques années comme juif avant toute chose. Définition qui prend donc en otage des millions de juifs vivant en paix dans le monde entier et assigne à ce pays, ce territoire, une fonctionnalité político-religieuse. Comme dans l’Islam intégriste radical, mais aussi dans certaines officines du Vatican (Opus Dei etc.), la justification du sacré est un argument reprís par toutes les religions intrusives, conquérantes, qui refusent justement la critique, tentent d’étouffer toute forme de société civile évoluée et agissante sur les décisions politiques par des postulats indiscutables.
Dévoiement de la pensé, parfois de l’Histoire, neutralisation de la critique dans une marée émotionnelle de “bisounours”, soupe indistincte et médiane, sans saveur, qui innonde dans les sphère privées, politiques, économique, jusque dans nos jardiens les plus intimes. Flux du langage
Je mets ici ce commentaire très pertinent de Gorka sur un fil de discussion de Mediapart :
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09/04/2015, 21:21 | PAR GORKA EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE ALICIA ROMANA LE 09/04/2015 À 20:26
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Avant Internet la parole politique était à sens unique et pour ainsi dire « verticale » du haut vers le bas. Aujourd’hui comme cela doit être désagréable pour nos élus qui avaient été formé dans l’idée bien confortable que jamais ils ne devraient affronter d’autres contradicteurs que ceux qui comme eux venaient du petit pré carré de la politique (ENA, Science-Po, etc. etc.) cet « entre soi ». Avant, ici je veux dire avant internet, un politique pouvait dire des énormités et le laps de temps entre la bêtise formulée et un sursaut d’opinion pouvait se mesurer en semaines si ce n’est en mois….Aujourd’hui avec Facebook, Twitter, la donne a changé et comme il s’agit de média « étranger » (et que le Web est mondial) nos politiciens peuvent voter toutes les lois possible, une Loi « franco-française » est sans effet aucun sur un site qui se trouve au Chili, en Irlande ou en Norvège… Regardez l’affaire DSK et le mépris d’un Strauss-Kahn ou d’un Lang, regardez Cahuzac, avant nous pouvions simplement imaginer, aujourd’hui nous savons que les élites ont trahie, c’est claire, c’est net. Une oligarchie qui ne dit pas son nom, la parole à encore un effet exutoire, mais il se pourrait bien (et rapidement) que le petit peuple choisisse un mode d’expression plus directe et moins verbeux…
Conclusion et prologue

La Trahison des images (1928, huile sur toile, 59 × 65 cm) (Los Angeles County Museum of Art) est un des tableaux les plus célèbres de René Magritte. Il représente une pipe, accompagnée de la légende suivante : « Ceci n’est pas une pipe. » L’intention la plus évidente de Magritte est de montrer que, même peinte de la manière la plus réaliste qui soit, une pipe représentée dans un tableau n’est pas une pipe. Elle ne reste qu’une image de pipe.
Mon développement a commencé avec une évocation du mythe de la Caverne de Platon et une mise en tension du monde des apparences (les images) avec celui des signes (les lettres). Les mots courants venant faire la passerelle entre l’écrit et l’oral, pour articuler le discours, et procéder de ce grand ensemble qui est la parole, et que certains aimeraient limiter à cette formule déjà galvaudée de la “liberté d’expression”.
Une autre inspiration traverse toutes ces lignes. C’est évidemment La société du spectacle de Guy Debord, dont je mets la vidéo ci-dessous (1h47mn), comme une conclusion en forme d’anticipation accomplie, d’actualité plus encore aujourd’hui.
Je terminerai avec ce constat, et un retour sur anticipation d’une ou deux générations : lorsque j’étudiais les arts graphiques et la communication visuelle à l’École Estienne, mes professeurs soulignaient le fait que nous entrions dans une société avant tout visuelle, où l’image et les logos prendrait le pas sur l’écrit et plus généralement le LOGOS : lógos, λόγος, parole, discours, raison, relation. Tout faux ! Avec l’arrivée massive des nouvelles technologies pour le grand public (difficile d’imaginer en 1989 le succès des réseaux sociaux, la connexion Internet HD, la vie on line et à flux tendu) la quantité de textes écrits, avec ou sans fautes de frappes, de signes, d’abréviations etc., a décuplé de manière exponentielle : tous ces messages twittés, envoyé par mail, échangés via WhatsAp, représentent un temps infini de concentration pour l’écriture ou la lecture, et des années lumières de lignes virtuelles.
La Société du spectacle, Guy Debord, 1973
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Face à cette accélération dans l’utilisation des signes, de leur démultiplication dans l’espace médiatique et politique, il faut donc se rappeler, dire et redire que les mots ont un sens, certes parfois plusieurs. Mais certains aiment jouer de la confusion et de la radicalisation, de la manipulation des mots et des définitions : islamiste pour musulman, antisémite pour pro-palestinien ou encore antisioniste, consommateur, usager pour citoyen… Mais à tordre le langage dans tous les sens pour en presser encore un peu de jus de propagande, pour assaisonner ses petites stratégies personnelles, politiques, idéologiques, religieuses, financières ou autres, on finit par le vider de sa substance et de son rôle : communiquer.
Je reviens vers les domaines artistiques et critiques, qui à mon avis sauveront une nouvelle fois le langage de ses dévoiements multiples, avec cette citation :
« Il s’agit effectivement de posséder la communauté du dialogue et le jeu avec le temps, qui ont été représentés par l’œuvre poetico-artistique. Quand l’art devenu indépendant représente le monde avec des couleurs éclatantes, un moment de la vie a vieilli, et il ne se laisse pas rajeunir avec des couleurs éclatantes. Il se laisse seulement évoquer dans le souvenir. La grandeur de l’art ne se laisse apparaître qu’à la retombée de la vie. »
La société du spectacle, Guy Debord
N’est-ce pas ce que cherchent précisemment certains : que la parole, le dialogue tombent en désuétude, afin que le débat public ne puisse plus avoir lieu et que le peuple se taise enfin, une bonne fois pour toute ??
Florent Hugoniot
Dominique Grange – Dégage! Dégage! Dégage!
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« Le juste mot pour la juste chose, les mots (et dessins !) pesés pour éviter les maux pesants, ça a fait très largement défaut depuis ce mercredi tragique après ces agissements indéfendables de fanatiques, peut-être en service commandé, qui ne se sont pas attaqués au Figaro, à l’Huma ou au Monde ou au … Pas même au Canard enchaîné.
On a laissé des mots, des clichés et des poncifs penser pour nous au lieu de penser avec des mots réfléchis.
Non, il n’est pas intelligent d’appeler droit à la liberté d’expression le plaisir (salarié) malsain de blesser, en auteur ou en complice, des gens pacifiques et sincères ayant fait des choix d’ordre métaphysique.
Pas plus que le viol ou l’inceste constitue une liberté d’exprimer sa sexualité.
On a refusé de défiler avec/derrière Marine Le Pen (qui n’est pas ma tasse de thé) mais pas avec/derrière l’assassin des enfants de Gaza et aussi des chefs d’état ou de gouvernement qui ont, au moins comme complices, des milliers de morts afghans, irakiens, syriens , palestiniens, etc.. sur la « bonne » conscience
Très inquiétant pour autant qu’on ait encore des illusions. »
Delfei de ton
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Flux du langage s’est donné comme but de souligner, d’analyser différentes facettes du langage, d’isoler des termes, définitions emblématiques de notre époque qui semble ne plus pouvoir s’en passer pour se représenter, se raconter à elle-même pendant une séquence plus ou moins longue. Parmi ceux décryptés, sortis de leur contexte culturel et des feux des médias, beaucoup expriment, à la charnière du deuxième et troisième millénaire, l’entrée de notre monde mondialisé dans la réalité augmentée du numérique.
Un peu plus CHARLIE, un peu moins CHARLOT ____________________
http://sergeuleski.blogs.nouvelobs.com/
http://lmsi.net/De-quoi-Charlie-est-il-le-nom
http://blog.mondediplo.net/2015-01-13-Charlie-a-tout-prix
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sebastien-n-est-pas-charlie-166997
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/11-janvier-2015-quand-les-langues-167028