Riviera Maya, Tulum, Playa del Carmen, Laguna de Bacalar…
Ces noms sonnent comme un rêve d’évasion tropical. Ils représentent le cliché touristique parfait du XXIème siècle, car ils renferment dans leurs sonorités roucoulantes le désir de longues plages paradisiaques aux eaux turquoises, au sable éblouissant de blancheur, fin et léger comme un duvet, ombragées par des palmiers bruissants sous les alysés. C’est la fameuse Riviera Maya, qui laisse espérer tant de voluptés et de découvertes, immergé dans une faune et une flore luxuriantes, au contact d’une nature humaine généreuse, voire innocente.
Tulum par exemple nous fait immédiatement voyager dans le temps avec son splendide site archéologique maya surplombant l’horizon caribéen. Les amoureux de culture et d’histoire seront ainsi comblés par la diversité des destinations possibles (Uxmal, Coba, Calakmul et tant d’autres sites mayas) ; les sportifs, les plagistes et les fêtards par les nombreux parcs naturels qui ponctuent la côte caraïbe du Mexique, comme par les zones d’hôtels, de restauration et de divertissement allant du plus basique au plus luxueux.
Malheureusement, ces destinations tant vantées par les agences de voyage sont en train de suivre le même destin que d’autres zones plus connues de l’État du Quintana Roo au Mexique, comme le site de Chichen-Itzà ou encore la ville nouvelle de Cancún : des paradis naturels, des lieux sacrés de mémoire et d’histoire métamorphosés en enfer consumériste.
Après Playa del Carmen, la frénésie immobilière s’est également emparée de Tulum, un village de pêcheur encore relativement tranquille et accessible aux routards il y a 10 ans, qui est en train de devenir aussi une zone majeure de l’industrie touristique. Même si la ville conserve encore un charme populaire et hippie, la forêt environnante y est en vente à la découpe, et la mangrove en passe d’être définitivement asséchée. Une grande partie de la plage est déjà privatisée, et devient donc inaccessible au visiteur s’il ne montre pas pâte blanche à l’entrée des hôtels de luxe, s’il n’y consomme pas au moins un expresso ou une cerveza hors de prix sur un transat, bercé par une musique lounge, pieds dans le sable, le regard et l’âme lavés par tant de beauté. Que suave, que rico… Mais qui n’en voudrait pas pour tenter d’échapper au stress de la vie moderne, pour se réconcilier avec la Pacha Mama ??
Les tortues sont l’inspiration majeure de cette sélection. Or celles qui viennent encore pondre sur les plages ont également ce privilège de voir leurs nids consciencieusement protégés sur une largeur d’un mètre par un ruban plastique jaune aux lettres noires annonçant « vigilancia, no pasar ». C’est un aspect de la caution écologique mise en avant par les autorités locales, mais qui n’empêche pourtant pas la population de se servir des richesses naturelles à unique fin de développement économique, et de ne s’inquiéter ni de la consommation excessive d’eau douce que nécessite le confort moderne offert aux toustistes débarqués du monde entier, ni des bouteilles plastiques qui jonchent les sols – une plaie au Mexique – entre autres aspects.
On notera que la péninsule du Yucatán aura vécu 3 catastrophes majeures : l’impact de la météorite qui provoqua l’extinction des dinosaures à la fin du crétacé (cratère de Chicxulub, il y a 66 038 000 ans), l’arrivée des Espagnols en 1492 qui entraina la chute de l’Empire aztèque et de la culture précolombienne dans la future Amérique latine, et aujourd’hui, dans une moindre mesure, le tourisme de masse…
Cependant, caprice des changements climatiques, en plus de la zona hotelera et des devises étrangères, les algues envahissent désormais régulièrement les plages et ses petites criques rocheuses. Ce sont les sargasses qui dérivent de la mer du même nom, s´échouent et se désintègrent lentement en laissant une délicate odeur d’œuf pourri. Elles viennent vous chatouiller le corps pendant la baignade dans une eau de mer toujours chaude, mais qui a perdu un peu de sa clarté fascinante ! Elles contribuent à maintenir les dunes, enrichir les sols en se transformant en sable. Pourtant elles s’imposent dans de telles quantités qu’une armée de petites mains mayas s’efforce chaque jour de nettoyer avec des moyens rudimentaires tels le rateau et la brouette, ces plages dont la réputation internationale risque d’être bientôt totalement à refaire aussi… pour le plus grand plaisir des tortues et des amoureux d’authenticité.
Le street art est bien présent à Tulum : il embellit la ville, ses bars et ses hôtels, participe du mythe vendeur de la nature vierge et de la magie maya.
De nombreuses œuvres de différentes factures décorent murs de parpaings, façades bétonnées ou cabanes en bois traditionnelles, et s’inspirent naturellement de la faune et flore locale, fil conducteur du diaporama ci-dessous, comme des formes artistiques ancestrales. C’est en suant à grosse gouttes sur mon vélo de location que j’ai fait ces photos, qui j’espère vous apporteront un courant d’air chaud et chargé d’humidité, les saveurs sucrées des fruits locaux délicieux et les chants d’oiseaux tropicaux. Comme une plongée dans les eaux cristallines des publicités des tours operator, comme un rêve de paradis qui inscrit son espace-temps dans notre monde actuel, mi-réel, mi-virtuel.
Petit clin d’oeil à l’actualité politique mexicaine : parmi les nombreuses fresques mettant en scène des tortugas, la mascotte de la région, l’une se retrouve affublée de la tête d’AMLO (Andrés Manuel López Obrador, leader du parti Morena) en passe de devenir le prochain président du Mexique.
¡Suerte y feliz viaje!
Florent Hugoniot
C’est un bel article, bien documenté, sur un mode d’expression que j’aime beaucoup au Mexique
Je regrette seulement les déchets de l’indiscipline au pied des oeuvres