Bajo la bóveda azul cobalto / Sous la voûte bleu cobalt

Roberto Gil de Montes, Angélica Vásquez Cruz y Víctor Ángel García Vásquez – El inframundo, 2018 – cerámica de Atzompa tratada con añil, cochinilla, engobes y lápiz sobre papel

 

J’ai eu l’heureuse surprise de découvrir lors d’un court séjour à la Ciudad de Oaxaca, de justesse avant sa clôture, la très belle exposition collective Bajo la Boveda azul cobalto (« Sous la voûte bleu cobalt ») qui se tenait au MACO – Museo de Arte Contemporaneo de Oaxaca, prestigieux espace d’exposition crée par l’artiste mexicain Francisco Toledo et situé en plein centre touristique de la ville – du 30 novembre 2018 au 14 juin 2019.

Cette exposition présente le fruit d’une collaboration entre 13 artistes pour la plupart étasuniens venus de Los Angeles, mais aussi de New York et même de la région parisienne, et 13 artisans d’art, ou artisans traditionnels locaux. Le propos était de créer une fusion artistique et technique entre des univers assez éloignés, et le pari est réussi au vu des œuvres et propositions crées pour l’occasion. L’artisanat typique de l’État de Oaxaca et du Mexique plus largement, telles la céramique, le tissage, la vannerie, les piñatas, ou encore la gravure sur bois et la photographie à l’ancienne, se sont mariés à merveille avec les thèmes et problématiques que les artistes avaient ramené dans leurs valises depuis les USA.

Dan Mc Cleary et Claudio Jerónimo López Cedillo – Ofrenda / Offrande, 2018 – céramique à haute température – en collaboration avec Taller Canela

Pour les artistes étasuniens, il s’agissait de créer une relation de proximité et de confiance avec l’artisan associé et son équipe, souvent des proches de la famille de l’artisan, en allant par exemple passer plusieurs journées de résidence dans le village où se trouve l’atelier correspondant. Le barrage de la langue n’a pas gêné la collaboration, souvent enthousiaste et constructive lorsqu’on lit les témoignages de cette expérience par les uns et les autres, également affichés dans l’exposition.

Angélica Vásquez Cruz, Roberto Gil de Montes, Victor Ángel García Vásquez, Claudio Jerónimo López Cedillo, Dan Mc Cleary, Benito José Martínez, Luis Serrano, Gerardo Navarro Gómez, Inés Navarro Gómez, Steve DeFrank, Arturo Hernández Quero, Renée Petropoulos, Gildardo Hernández Quero, Ángel Tello, Mary Joe Vath, José Sánchez Cruz, Salomon Huerta, Fred Escher, Jennifer Grijalva Martínez, Juana Martínez Olivera, Leonila Aragón Grijalva, Rebecca Martínez Santos, Rosalba García Martínez, José Hernández, Marianne Sadowski, Petra Hernandez, Antonio Lazo Hernández, Javier Lazo Gutiérrez, Juana Gutiérrez, Peter Liashkov, Porfirio Gutierrez Contreras, Gabriel Sosa Ortega, Jesus Sosa Calvo, Joe Lewis, Miguel Ángel Agüero, Pierre Picot.

(Code couleur pour identifier les équipes et pour une meilleure identification des oeuvres)

J’ai particulièrement apprécié le travail de quelques binômes/équipes, que je présente ici en images, mais voici le texte d’introduction général, inscrit sur le mur à l’entrée des salles, qui explicite la philosophie de la proposition artistique de Bajo la Boveda azul cobalto, dont Marietta Bernstorff est la commissaire d’expo :

Dans le débat interminable sur les limites entre l’art et la pratique artisanale, il y a eu à la fois des positions différentes et des façons d’aborder leurs différences et leurs rencontres. Et bien qu’il y ait eu de nombreuses tentatives pour tenter d’hybrider ces domaines de création, il n’y a eu que très peu d’affinités harmonieuses.

L’exposition sous la voûte bleue cobalt, produite par le musée d’art contemporain de Oaxaca, est le résultat d’un dialogue à plusieurs niveaux. Le plus visible est peut-être l’interaction de treize artistes visuels avec des artisans d’art. Les artistes visuels – dont l’exercice artistique et académique s’est principalement développé en Amérique du Nord– ont été mis en synergie, de manière audacieuse, par la conservatrice Marietta Bernstorff, à des ateliers d’art populaire situés dans différentes régions de l’État d’Oaxaca.

Mais le dialogue est allé au-delà des intersections recherchées par Bernstorff dans la pratique professionnelle de chaque « couple ». Les participants ont non seulement été exposés à des techniques différentes de la leur, mais aussi à des formes de travail qui ont eu un impact décisif sur la production des pièces. Étant donné que les ateliers qui les ont accueillis sont par nature composés de familles partageant le même métier, des relations ont été établies, qui ont touché des points vitaux, comme d’autres façons de voir et de comprendre le monde. Cette impulsion peut également être détectée dans chacune des installations qui intègrent l’exposition.

Un autre substrat apparaît : le démantèlement des hiérarchies de pouvoir, qui a été promu en associant des artistes qui sont sensibles aux pratiques didactiques, certains à l’académie et d’autres à l’apprentissage d’un métier hérité. À cela s’ajoute le souci de revendiquer les langues et les cultures originelles, ainsi que l’ouverture des artistes traditionnels aux pratiques artistiques contemporaines. La clé a été de choisir des ateliers dont les intervenants ont un parcours et une expérience impeccables.

Dès le début de la production de Sous la voûte bleue cobalt, le processus de conversation et le travail à l’atelier ont été présentés comme la véritable contribution, préoccupation partagée avec les artistes, la conservatrice et le musée lui-même. Ainsi, il y a eu beaucoup de questions révisées ou remises en question, même, révélant les nombreuses coïncidences, surtout à un moment historique où le monde est confronté à des divisions, non seulement géopolitiques, mais aussi culturelles. Cette exposition montre ce qui peut se passer lorsque nos différences et nos synchronies sont acceptées, c’est un exemple de coexistence sous le même manteau céleste.

 

El inframundo / L’Inframonde, 2018 – Roberto Gil de Montes, Angélica Vasquez Cruz et Victor Angel García Vasquez –  céramique d’Atzompa traitée avec des indigo, cochenille, engobes et crayon sur papier

« J’ai grandi à Guadalajara, près de San Pedor Tlequepaque et Tonala, un centre centenaire où la céramique a été faite. Quand j’étais enfant, je voyais les pièces en céramique comme de l’art. Collaborer avec Angelica et son fils Angel a été une expérience positive. Nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé, nous avons partagé nos histoires. Ils étaient ouverts à l’idée de créer une pièce ensemble. Nos conversations, nos histoires ont produit les idées que nous avons traduites en art. Angélica Vasquez est une artiste bien connue à Oaxaca ; nous aurions pu continuer à travailler ensemble à l’infini. »

Roberto Gil de Montes

“Au début, nous avions quelques doutes sur la façon de travailler avec Roberto, parce que nous n’avions jamais travaillé comme ça. Mais plus tard, quand nous avons commencé à dialoguer avec lui, nous nous sommes parfaitement compris. Je qualifie ce projet de satisfaisant parce que nous nous rencontrons, dialoguons et collaborons pour créer les pièces. Pour nous, ce n’était pas seulement le travail, c’était différent et beau.”

Angélica Vásquez Cruz y Víctor Ángel García Vásquez

 

Ofrenda / Offrande, 2018 – Dan Mc Cleary et Claudio Jerónimo López Cedillo – céramique à haute température – en collaboration avec Taller Canela (Toña Silva Herrera, Inés Larnez, Marco Antonio Canseco et Alicia Jiméva)

« Dan est un artiste comme moi, qui pense à partager et enseigner sa connaissance de l’art comme les plus jeunes. C’est un grand peintre, très humble, et nos idées sur ce qu’est un artiste-artisan sont similaires, en fait ce fut facile de travailler avec lui.  »

Claudio Jerónimo López Cedillo

« Ce fut merveilleux de passer deux semaines dans l’atelier de Claudio. J’ai beaucoup appris de lui et de tous les artistes qui y travaillaient. Un des artistes avec qui j’ai travaillé s’appelle Inés, qui avait été mon étudiante au Centre des Arts de San Agustin (CASA). Je dépendais beaucoup de son expérience avec la sculpture, c’était à mon tour de devenir son étudiant.  »

Dan Mc Cleary

Premier plan : Mary Jo Vath y Ángel Tello – Papel Mágico Paper Magic, 2018 – acrílico sobre papel maché / Arrière plan : Steve DeFrank, Gerardo Navarro Gómez y Inés Navarro Gómez – Aunque yo este muerto, 2018

Papel Mágico / Paper Magic / Papier Magique – Mary Jo Vath y Ángel Tello, 2018 – acrylique sur papier maché

« Cette fois, ça ressemble plus à une évasion, mais j’ai beaucoup pensé à la réponse. Pendant plus de 25 ans, j’ai enseigné à l’école d’art visuel à New York. Je suis peintre et je n’ai jamais travaillé comme illustratrice. Pour moi, la question de la différence entre l’art et l’illustration est similaire à celle de la différence entre l’art et l’artisanat. J’en suis venu à la conclusion que discuter de ces distinctions est nécessaire pour l’académie, mais pas pour la pratique créative, qui valorise la capacité à faire des connexions libres, des connexions inattendues.

L’interaction avec Angel, mon collaborateur, était très amusante. Il a un bon sens de l’humour. Son fils, Diego, a parfois été traducteur. Un jour, Angel l’a emmené à l’atelier, avec toute la famille, y compris sa mère. Puis j’ai rencontré tout le monde. Je me suis sentie bienvenue.

Pour notre première sculpture, j’ai demandé à Angel de choisir ce sur quoi je voulais travailler. Il a choisi un serpent à sonnettes en noeud, basé sur une sculpture du musée d’anthropologie, au Mexique. Au début, on se retrouvait dans son atelier, et je l’aidais à construire la sculpture. Après un certain temps, quand il a fini, je suis allé dans mon studio pour faire des échantillons pour les motifs de peau de serpent. Il a choisi la palette la plus réaliste. J’avais pensé à des couleurs plus vibrantes, mais à la fin nous avons décidé pour celle de votre préférence, et maintenant je pense que vous avez raison, parce qu’ils donnent plus de pouvoir à l’œuvre.  »

Mary Jo Vath

Aunque yo esté muerto / Bien que je sois mort, 2018 – Steve Defrank, Gerardo Navarro Gómez et Inés Navarro Gómez – aquarelle sur papier sale, caséine sur papier

 

Jauría Perenne / Meute Vivace, 2018 – Luis Serrano et Benito José Martínez – osier, carton (papier mâché), peinture et métal

« Je pense que Louis est un grand maître, plein d’idées et d’imagination. Dès le premier jour, nous nous sommes très bien entendus, nous avons discuté des idées, échangé des connaissances et nous sommes mis d’accord sur la façon dont ces personnages pourraient être avec ce matériel. »

Benito José Martínez

« Je ne considère pas les termes ‘Art’ et ‘Artisanat’ comme dichotomiques. Les deux peuvent comprendre un continuum entre ce qui est considéré comme de l’art et/ou de l’artisanat. Souvent, ce qui était considéré comme de l’artisanat est considéré comme de l’art plus tard, même si la tentative originale était peut-être plus utilitaire. Donc, ce n’est pas parce que quelque chose est utilitaire, que ça ne peut pas être de l’art.

En tant qu’enseignant, ce projet m’a permis d’ être à l’écoute et curieux sur ce que fait Don Benito, comment il travaille avec le matériau, les outils qu’il utilise, et la nature du matériau lui-même. En tant qu’enseignant, je suis exposé au rythme entre l’apprentissage et l’enseignement, et ce projet a été intéressant parce qu’il m’a forcé à jouer le rôle de l’enseignant et de l’étudiant. Don Benito et moi avons eu ensemble de multiples idées et compétences qui étaient importantes pour partager et comprendre. »

Luis Serrano

Casita Colibrí / Maison Colibri – Javier Lazo Gutiérrez, Juana Gutiérrez, Peter Liashkov, Porfirio Gutierrez Contreras – installation, technique mixte (photographies, collages, peinture, tapisserie, matériaux naturels et sandales des danseurs), installation inspirée de la Dance de la Plume zapotèque.

« La capacité à sauter librement dans notre imagination, sans restriction.  »

Peter Liashkov

« Depuis le dialogue entre nos deux cultures, nous avons pu faire référence à la diversification et au syncrétisme visible, où il y a toujours une responsabilité culturelle. Elle s’est jointe à une histoire tragique… quelque chose de tragique pour les uns et bon pour les autres… produit un nouveau dialogue. »
Porfirio Gutiérrez

 

« Je ne pense pas aux étiquettes ou aux termes, je pense aux individus dans les familles et à ceux qui produisent ces œuvres en tant qu’artistes. Tant que je ne vois pas l’artisanat comme quelque chose qui disparaît, mais je le vois comme quelque chose de sous-estimé, particulièrement aux États-Unis.  » Salomón Huerta

 

 

Entre nubes, gotas y flores / Entre nuages, gouttes et fleurs, 2018 – Marianne Sadowski, José et Petra Hernández – installation de gravure et cire : impression lithographique sur papier de fibres oaxaqueñas faites à la main et papier japonais, branches de huizache et fleurs de cire. Durée Video et audio 5 mn

« Cette collaboration m’a fait penser à la vie. Dans les grandes villes, comme L.A. ou Mexico, nous vivons tous les jours à la hâte, au travail, toujours à la recherche de quelque chose que nous ne savons pas. D’autre part, je pense aux heures consacrées dans la cour de Casa Viviana avec José, Petra et la famille – en mettant les moules dans la cire chaude, en les formant en fleurs, en admirant les minces couches de cire rouge, regardant les nuages passer et les gouttes de pluie tombant dans les formes des mêmes fleurs de cire… jour après jour… le temps, la nature et notre place dans un monde entier sans interruption. Nous vivons dans le même monde, mais nos jours dans la ville ont tendance à être considérés comme importants, alors que dans cette cour à Oaxaca, la vie semble si essentielle.

Je pense que l’art est une expression d’imagination créative produite par sa beauté ou son pouvoir émotionnel. Il y a des cultures où l’art est séparé de la vie, un monde presque différent, je pense que l’artisanat existe dans un monde où l’art n’a pas encore été séparé de la vie de la même manière. Les deux, artiste et artisan, sont des créateurs. Ils partagent ce moment quand ils regardent leur matériel et l’entrent dans un dialogue, quand ils le donnent à voix. Peut-être la différence est que l’artisanat conserve sa racine dans un moine que l’art conscient de lui-même s’est séparé. »

Marianne Sadowski

F.H.

************************************************************************************

SOURCES

https://museomaco.org/?exhibition=bajo-la-boveda-azul-cobalto

Diálogo de arte bajo la bóveda azul cobalto

https://www.nvinoticias.com/nota/107808/bajo-la-boveda-azul-cobalto-un-lenguaje-comun

A propos lapartmanquante

Part-iciper, part-ager, part-faire, part-ir, partout et par ici !
Cet article, publié dans Déambulations poétiques, est tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s