
Comme promis dans Oaxaca street art – été 2022 (1), voici la première partie de :
Tu es belle et large, Amérique du Nord
Extrait de El canto general, chapitre 9 « Que s’éveille le bûcheron » de Pablo Neruda, poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien.
(…)
à toi, fille de l’Arkansas ou plutôt
à toi jeunesse dorée de West-Point ou mieux encore
à toi mécanicien de Detroit ou bien
à toi débardeur de la Vieille Orléans à tous
je m’adresse et je dis : affermis le pas,
ouvre ton oreille au vaste monde humain,
ce ne sont pas les élégants du State Department
ni les féroces seigneurs de l’acier
qui te parlent ici
mais un poète de l’extrême sud de l’Amérique,
fils d’un cheminot de Patagonie,
américain comme l’air des Andes,
aujourd’hui fugitif d’une patrie où
prison, tourment, angoisse règnent,
tandis que cuivre et pétrole lentement,
se convertissent en or pour des rois étrangers.
Toi tu n’es pas
l’idole qui d’une main tient l’or
et de l’autre la Bombe.
Toi tu es
ce que je suis, ce que je fus, ce que nous devons
sauvegarder, le fraternel sous-sol
de la très pure Amérique, les simples
hommes des chemins et des rues.
Mon frère Juan vend des souliers
comme ton frère John,
ma sœur Juana pèle les patates
comme ta cousine Jane
et mon sang est mineur et marin
comme ton sang, Peter.
Toi et moi irons ouvrir les portes
pour que passe l’air de l’Oural
à travers le rideau d’encre,
toi et moi irons dire au furieux :
« My dear guy, ici et pas plus loin tu n’arriveras »
en deçà la terre nous appartient
pour qu’on n’entende pas le sifflement
de la mitrailleuse, mais une
chanson, et une autre chanson, et une autre chanson.
***
Le chant général, Pablo Neruda
IX QUE S’ÉVEILLE LE BÛCHERON
Volume 2, Traduction de Alice Ahrweiler
Les éditeurs français réunis
suite à venir
https://www.neruda.uchile.cl/obra/cantogeneral.htm


























