Tour de France 2022 – Paris

Soirée au bord du bassin de La Villette

Multicolore Paris-sur-plage

À Paris l’été, on n’a pas la mer, mais on s’imagine à la plage chaque jour. Sinon c’est pas vivable, avec l’arrivée des grandes chaleurs, la concentration humaine, les efforts constants pour la survie économique, sociale, culturelle. Car il faut savoir aussi y tenir son étiquette, qu’elle soit versaillaise, bellevilloise ou dionysienne (de Saint Denis, 93). Pourtant les visages de toutes les nuances de couleurs s’ouvrent dans les rues, on y croise des sourires commerciaux mais pas seulement, on y entend des rires à l’occasion de retrouvailles en terrasse ou sur les quais.

Cette année, la forte présence en centre-ville de nombreux jeunes issus de l’immigration, donc particulièrement de la banlieue, m’a frappé. Non plus des ombres encagoulées dans des survets Adidas avec Nike aux pieds, mais des créatures extrêmement sophistiquées, aux tenues étudiées, originales, aux faux-cils et maquillage de star, bijoux pour les hommes, êtres hyper-féminins ou androgynes évoluant avec insouciance dans les quartiers de Beaubourg, les Halles, le Louvre, le Marais où je suis passé en touriste lambda. Et où j‘ai fini comme tous ces beautifull people d’un jour, par aller faire les soldes pour renouveler en partie, avec des vêtements et accessoires confortables, de qualité, avec de belles finitions. Un style de garde-robe que je ne trouve pas à Oaxaca, même en y mettant le prix.

Espace extérieur du café-restaurant « Puebla » aux Buttes Chaumont

Paname vert-ma-pomme

Impressionnant comment l’actuelle maire Anne Hidalgo, pourtant tant décriée par les Parisiens, a su réduire le trafic automobile en centre-ville, comment des micro-espaces verts se sont créés un peu partout. De fait la qualité de l’air s’en ressent vivement. Davantage de pistes cyclables et de zones piétonnes, de bars en terrasse, de lieux de loisirs et de détente, c’est évident.

En revanche, chaque trottoir ou carrefour est devenu dangereux pour les piétons inattentifs, non du fait des voitures, mais des nouveaux types de deux roues. En effet, au parc déjà gigantesque de motos, scooters, vélos persos ou de location, il faut ajouter désormais les trottinettes électrifiées de location à l’heure qui filent vite et parfois dangereusement. Comme des joujoux de gosses de riches qui ont lassé, celles qui ne servent pas gisent abandonnées, entassées en vrac dans un coin de rue, au risque de bloquer la circulation. Le plus fascinant, ce sont ces petites machines motorisées, un croisement de trottinettes et de rollers, avec ou sans guidon, qui ne peuvent fonctionner que dans des aires urbaines très protégées. Ces segways, trottinettes électriques, gyropodes, gyroroues, hoverboards sont les nouveaux fléaux de la voie publique. Tout glisse et tout passe, mais les accidents de circulation, les fractures causés par ces nouveaux chauffards du dimanche  – du jeune barbare de cité trainant en ville au parfait métrosexuel allant à un rendez-vous d’affaire – sont en augmentation. Symbole de liberté, d´écologie de surface mais aussi d’hyper-individualisme, l’utilisation de ces moyens de transport a explosé avec la période de contrôle des cas contacts, le pistage des déplacements et les gestes barrières imposés lors des 2 ans de coronafolie.

Depuis début août, plus rien des mesures vestiges de cette coronafolie (même pas du gel désinfectant à l’entrée des commerces) n’est applicable officiellement. C’est de nouveau la grande fête de la consommation cosmopolite, et le premier été depuis 2020 qu’on peut réellement respirer en ville et revivre comme avant. Arrivé le soir de la fête de la Musique, le 21 juin, l’ambiance dans les rues était éloquente! Même à mon retour au Mexique un mois plus tard, les contrôles comme l’exigence du test antigénique ou PCR négatifs pour monter dans l’avion sont complètement tombés. On verra bien le devenir du Pass vaccinal à la rentrée scolaire 2022…

Canal de La Villette, nocturne

La guerre dans les têtes

Le confit en Ukraine entre la Russie et les forces de l’OTAN continue d’être une épine dans la bonne conscience des Occidentaux, et d’infuser son poison dans l’attitude eurobéate et pro-étasunienne de la majorité de la population française, particulièrement chez nos élites culturelles comme politiques – qui ne savent plus se définir que faisant partie de la “communauté internationale”, c’est à dire celle qui se définit vaguement comme “défenseuse des libertés” – mais pas trop de la liberté de se déplacer, ni des identités locales ou régionale trop identifiables.

Tout comme on a toujours besoin d’un pôle féminin et d’un pôle masculin établis d’un manière caricaturale pour rejouer indéfiniment la guerre des sexes, on a besoin d’un camp du Bien, et de fait, d’un camp du Mal pour que le premier continue à se percevoir comme le bien absolu : fier de toutes ses prérogatives et privilèges, cultivant une belle assurance et une bonne morale qui ont faim de bons produits sains et de matières premières de première qualité, parfois ôtés de la bouche des enfants d’Afrique ou d’Amérique latine ; des bonnes pratiques sociales qui dissolvent tout antagonisme et conflit dans la bienveillance et le care distribués par de braves dames du patronage (de Belinda Gates à Martine Aubry), épouses de milliardaires, complices de capitaines d’industrie qui se baladent partout la fleur au fusil en écrasant les jeunes pousses de ce monde.

Le néocolonialisme n’en finit pas de pourrir en France, il n’est toujours pas mort et tente un ultime baroud d’honneur dans pratiquement toute la classe politique, économique et financière. Peut-être l’enterrera-t-on avec le dernier drapeau étasunien, cette si belle bannière étoilée – pourtant elle est de plus en plus présents sur les façades des commerces de masse – accompagnée de l’autre, celle de l’Eurotano zone, qui nous ouvriront les portes du paradis du Bon Dieu sur terre ou dans les cieux, à n’en pas douter. Le soft power nord-américain (Canada, USA et Mexique des élites dans une moindre mesure, assurent la permanence) n’en finit pas de diffuser dans les esprits et les comportements le HOW TO THINK THAT / HOW TO DO THAT.  On se doit d’être naturellement l’allié des Grands Zaméricains, ceux et celles qui nous ont tant fait rêver depuis un siècle. Le fameux siècle américain, en train de se refermer inexorablement sur d’amères conclusions, notamment cette habitude de la frénésie à la consommation pour exister, Le triste égotisme de chacun, de la star à l’employé de ménage : culte du moi que chacun affiche et parfois monnaye sur les réseaux sociaux à la solde de la Silicon Valley ; le jeu permanent de masques de niveau hollywoodien dans les séries et les films, et de là des mensonges, hypocrisies et trahisons universellement acceptées, tolérées, de la famille à la société toute entière… Car le Show Must Go On !!

X

Une charmante serveuse de la Place du Tertre, Montmartre, « Un sourire pour le Mexique! »

Salut la France, à la prochaine!

J’ai relu l’article La part des choses sur ce même blog, publié en octobre 2018 à la suite de mon avant-dernier séjour estival en France, juste avant de prendre mes fonctions (éphémères, pour de vilains tracas administratifs) de prof de FLE à la UMAR, campus Huatulco. Peut-être étais-je moins nostalgique de la France et de ses habitants, car je croyais alors enfin concrétiser le rêve de m’installer définitivement sur la côte pacifique mexicaine. Quatre ans plus tard, j’ai déchanté : 3 années passées dans la ville chaotique de Oaxaca, ajouté à la grosse rupture socio-économique et culturelle de la phase Covid, plus la fuite en avant dans le tourisme de masse, la lancinante fascination du mythe nord-américain et son schéma hyper-individualiste, même ici à l’extrême Sud du pays, la fermeture du milieu artistique à tout ce qui n’est pas local, sauf pour les acheteurs d’art exotique, les vendeurs en import-export de produits artisanaux de luxe et les improbables riches mécènes venus d’Europe, des USA ou du Canada, la quête du parrain ou Daddy Suggar dans le milieu gay oaxaqueño et enfin la trahison du projet de développement éco-touristique de la côte – s’il y en eu jamais un réellement sincère – ont fini de doucher mes espoirs de m’installer durablement dans le Mexique plus généralement.

Je serai donc resté un étranger de passage, comme tant d’autres avant moi qui ont terminé leur rêve mexicain à Oaxaca ou ailleurs, malgré mes 10 ans de vie dans ce pays si attachant mais si glissant, fuyant vers une étrange modernité. Peut-être aussi ai-je finalement trouvé ce qu’intimement je venais chercher ici, accompli le grand tour sur moi-même, pour revenir vivre en France le cœur léger.

XXX

La veille de mon départ, après avoir procédé au test antigénique Covid (négatif, qui au retour pour le Mexique ne m’a aucunement été demandé par Aéroports de Paris ou la douane française ;  les autorités mexicaines ne s’étant jamais pliées à ces obligations policières et à ce cinéma de passeport covid en interne comme en externe), je reçois un mail d’Air France me proposant de changer la date de mon billet retour afin de profiter d’une remise de 150 € (pour un prochain vol certainement, après les mouvements de grève qui nous ont valu une heure et demie d’attente des bagages à Roissy ) ! Changer de vol comme on change de bus ou de trottinette… Pouvoir d’achat, quand tu nous tiens! Afin de ne pas gâcher cette chouette impression de ce tout frais séjour en France, je ne ferai pas les comptes de mes dépenses très raisonnables, mais la flambée des prix du panier de la ménagère et affolant… là bas aussi!

Réactivité, flexibilité sont les deux mamelles de l’économie dématérialisée. Cette nouvelle manière de fonctionner au quotidien avec un Smartphone pendu au bout des doigts, ou un ordinateur à portée de main, se partage désormais également des deux côtés de l’Atlantique. Trouver sa place physiquement dans ce monde, Global Village de plus en plus abstrait devient relativement compliqué.

Ainsi mes ailes, après m’avoir porté vers une autre culture aussi riche, une dynamique aussi puissante que la mexicaine, me ramèneront possiblement bientôt vers mes racines et un avenir mieux tracé, si 2022-2023 s’annonce favorable pour cela!

Une Folie et sa passerelle éclairées de nuit au parc de La Villette

Hasta pronto!!

Florent Hugoniot

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Un commentaire pour Tour de France 2022 – Paris

  1. Yvan dit :

    En parallèle de cette époque frivole et faussement insouciante, un lien sur le site du Centre Pompidou pour l’expo  » Allemagne / Années 1920 / Nouvelle Objectivité / August Sander  » qui reflète bien l’époque actuelle, avec une critique intéressante sur le Club Mediapart :

    https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/dEOe6u0

    https://blogs.mediapart.fr/jean-noviel/blog/050822/la-beaute-ou-la-cupidite-des-profiteurs-de-crise

    Dans le même bâtiment, à la BPI, voir aussi l’expo du dessinateur de BD Chris Ware pour la beauté, la précision des planches originales et l’ambiance d’insoutenables doutes et solitudes du Chicago d’aujourd’hui.

    https://www.bpi.fr/exposition-chris-ware-bpi/

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