Oaxaca street art – mars 2023

Yankel – Muro, 29/11/2022 – 🕾🧠MÉDULAđŸ«đŸ•· – #artelibrenolameculos

Chronique d’une gentrification

En cette fin d’hiver – dĂ©jĂ  chaude pour la saison – voici un tour d’horizon artistico-urbain dans le centre historique de Oaxaca. La gentrification – ou amĂ©ricanisation Ă  la sauce de la globalisation – des secteurs nord, est et centre poursuivant son Ɠuvre, il ne restera bientĂŽt de quartiers populaires qu’au sud de la veille ville, ceinte d’un anarchique pĂ©riphĂ©rique automobile.

Ces quartiers anciens Ă  un ou deux Ă©tages, constituĂ©s d’une imbrication de petits commerces, marchĂ©s alimentaires comme artisanaux (toujours Ă  prix local et non en augmentation constante pour vivre exclusivement de la manne touristique), mezcalerias, bars et lieux interlopes, rĂ©sistent encore Ă  la pression immobiliĂšre en demeurant vivants, animĂ©s par de typiques Oaxaqueños des deux sexes et de tous les genres. On peut les qualifier tout Ă  la fois de chaleureux, rudes Ă  la tĂąche, ouverts Ă  la discussion informelle, drĂŽles, encore catholiques ou liĂ©s aux anciennes cosmogonies et croyances zapotĂšques. Plus quelques foraneos : Mexicains venus d’autres parties du pays et installĂ©s de longue date, Ă©trangers expatriĂ©s et adaptĂ©s, voire complĂštement enracinĂ©s, dont beaucoup d’Étasuniens rebelles au systĂšme de l’Empire mais aussi des EuropĂ©ens. Ce sont les vestiges hippies, novateurs, libertaires ou anarchistes qui constituent le peu d’intellectuels et artistes mĂ»rs encore actifs et pertinents de la ville, continuant de produire (arts plastiques, poĂ©sie, Ă©dition) alors que les nouveaux riches de Oaxaca privilĂ©gient les services (banques et infrastructures touristiques, Ă©conomie virtuelle).

Courants migratoires Ă  Oaxaca aux XXe et XXIe siĂšcles

MĂłnica Palma Mora, chercheuse Ă  la Direction des Études Historiques de l’INAH, vient de publier en ligne le rĂ©sumĂ© d’une enquĂȘte complĂšte sur l’immigration Ă©trangĂšre Ă  Oaxaca, particuliĂšrement depuis les annĂ©es 1960 Ă  aujourd’hui. En voici quelques extraits Ă©clairants traduits en français :

« L’intĂ©rĂȘt acadĂ©mique pour le devenir de Oaxaca du XXe siĂšcle s’est surtout concentrĂ© sur l’étude de certaines questions, comme son histoire politique, sa dynamique socio-Ă©conomique, Ă©ducative, religieuse ; le vaste patrimoine archĂ©ologique, et la diversitĂ© ethnolinguistique et culturelle qui le distinguent. Ces derniĂšres annĂ©es, d’autres thĂšmes qui ont attirĂ© l’attention des universitaires sont les mobilisations sociopolitiques, les Ă©tudes de genre, les Ă©tudes de nature Ă©cologique, la forte migration des habitants d’Oaxaca aux États-Unis et l’Histoire de l’art.

( â€Š)

[depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle] Plusieurs Ă©tudes universitaires ont fait Ă©tat de la participation d’immigrants Ă©trangers (AmĂ©ricains, Anglais, Allemands, Espagnols, Français) Ă  la croissance Ă©conomique ; de leur succĂšs en tant que propriĂ©taires agro-exportateurs, exploitants miniers, fabricants ou nĂ©gociants, et les liens matrimoniaux ou de compadrazgo qu’ils ont nouĂ©s avec l’oligarchie de Oaxaca et qui les a incorporĂ©s dans la classe aisĂ©e de cette Ă©poque.

Une main-d’Ɠuvre d’origine asiatique (principalement chinoise) a travaillĂ©, avec de nombreux Mexicains, sur le chemin de fer de l’isthme de Tehuantepec et sur les chantiers portuaires de Salina Cruz. Des immigrants originaires du Moyen-Orient (libanais, juifs, arabes) ont rejoint le commerce, activitĂ© dĂ©jĂ  exercĂ©e depuis longtemps par les Espagnols et les Français. D’autres immigrĂ©s ont pratiquĂ© leurs professions libĂ©rales (mĂ©decins, livres). Plusieurs de ceux qui arrivĂšrent Ă  cette Ă©poque s’installĂšrent dans des localitĂ©s de l’intĂ©rieur de l’État ; la plupart prĂ©fĂ©rĂšrent s’établir dans la ville de Oaxaca.

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Des circonstances diffĂ©rentes les ont amenĂ©s dans la capitale de Oaxaca, une ville oĂč, au dĂ©but, certains d’entre eux n’ont pas choisi d’établir, mais oĂč ils ont vĂ©cu pendant de nombreuses annĂ©es. À l’heure actuelle, certains sont retraitĂ©s ou retirĂ©s de la vie active et, Ă  l’exception de deux qui se sont Ă©tablis depuis leur arrivĂ©e comme retraitĂ©s, le reste s’est dĂ©veloppĂ© dans diffĂ©rents domaines, notamment la recherche anthropologique et dans le milieu Ă©ducatif, artistique et culturel. Ils sont donc entrĂ©s en contact et ont interagi avec des habitants d’Oaxaca, avec lesquels certains ont connu des diffĂ©rences ou des dĂ©saccords culturels, principalement au dĂ©but de leur Ă©tablissement, mais qui ne les ont pas conduits Ă  quitter la ville.

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À partir des annĂ©es 1960, d’autres raisons ont commencĂ© Ă  s’ajouter Ă  ceux de nature Ă©conomique. Au cours de ces annĂ©es a commencĂ© l’arrivĂ©e d’étrangers intĂ©ressĂ©s par l’étude du vaste patrimoine archĂ©ologique et de la diversitĂ© ethnique et linguistique de l’État. Selon les anthropologues Nelly J. Robles et Jack Corbett, les recherches archĂ©ologiques menĂ©es par le docteur Ignacio Bernal sur plusieurs sites de l’État (Monte AlbĂĄn, Coixtlahuaca et Tamazulapam) ont attirĂ© des spĂ©cialistes Ă©trangers, pour concrĂ©tiser des projets de recherche en archĂ©ologie, anthropologie et linguistique.

D’autres Ă©trangers qui ont commencĂ© Ă  arriver dans les annĂ©es soixante Ă©taient les hippies. Leur prĂ©sence Ă©tait motivĂ©e par des motifs plutĂŽt ludiques : s’amuser et expĂ©rimenter les effets des champignons hallucinogĂšnes. Un article publiĂ© en 1957 par la revue Life, largement diffusĂ©e au niveau international Ă  cette Ă©poque, sur le rite et la consommation de champignons Ă  Huautla de JimĂ©nez, Oaxaca, a suscitĂ© l’intĂ©rĂȘt de nombreux jeunes Ă©trangers pour visiter l’État du Sud [32] oĂč il y avait aussi des plages vierges idĂ©ales pour des vacances. Une nouvelle vague de jeunes, amĂ©ricains en plus grande proportion, mais sans manquer europĂ©ens et mexicains, a commencĂ© Ă  arriver Ă  la ville de Oaxaca.

Vers les annĂ©es 1980, le processus de mondialisation capitaliste qui a commencĂ© Ă  interconnecter les marchĂ©s des biens et des services, des capitaux financiers, des technologies de l’information a eu un impact sur une plus grande circulation de la publicitĂ© touristique au niveau mondial. Ce processus a Ă©tĂ© combinĂ© avec la politique gouvernementale mexicaine de ces annĂ©es et les suivantes visant Ă  encourager le dĂ©veloppement touristique du pays; le tourisme a Ă©tĂ© conçu comme un facteur de dĂ©veloppement rĂ©gional.

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À cette Ă©poque, la promotion des attractions touristiques de l’État augmenta : la cĂ©lĂ©bration de la Guelaguetza, la diversitĂ© ethnique, les sites archĂ©ologiques et les plages, la gastronomie et la fabrication de mezcal, l’artisanat et l’architecture coloniale de la ville. En 1987, la dĂ©claration de l’UNESCO par laquelle le centre historique de la ville et le site archĂ©ologique du Mont AlbĂĄn sont entrĂ©s dans la liste des sites classĂ©s au patrimoine mondial a dĂ©clenchĂ© de plus grands investissements dans l’industrie touristique (hĂŽtels, auberges, restaurants, magasins d’artisanat). La capitale de Oaxaca a commencĂ© Ă  se positionner parmi les principales destinations touristiques du pays, pour les visiteurs nationaux et internationaux, et Ă  devenir un aimant pour de nombreux Ă©trangers intĂ©ressĂ©s Ă  s’établir, de maniĂšre plus permanente, dans des endroits nouveaux et diffĂ©rents.

SimultanĂ©ment, la ville de Oaxaca a commencĂ© Ă  acquĂ©rir un prestige croissant comme lieu de crĂ©ation d’arts plastiques. Cette rĂ©putation rĂ©sulte de la reconnaissance nationale et internationale de l’Ɠuvre plastique de plusieurs artistes de Oaxaca : Rufino Tamayo, RaĂșl Nieto, Francisco Toledo, entre autres ; surtout, des dĂ©marches effectuĂ©es par ces mĂȘmes artistes auprĂšs des autoritĂ©s de la ville pour l’ouverture d’espaces qui exposent l’art oaxaqueño. Selon Abraham Nahon, [38] le travail effectuĂ© par Rufino Tamayo en 1975 devant les responsables de l’INBA pour doter le peintre Potosino Roberto DonĂ­s d’un espace oĂč Ă©tablir l’Atelier d’Arts Plastiques « Rufino Tamayo » a Ă©tĂ© fondamental. Â»

Le moment Francisco Toledo

Oaxaca a appris Ă  valoriser son patrimoine culturel et naturel Ă  travers les batailles incessantes du peintre Francisco Toledo, dans l’hĂ©ritage des sobres espaces culturels qu’il a fondĂ©s pour le plaisir et la rĂ©flexion, et dont la richesse reste cachĂ©e parmi les livres, expositions, confĂ©rences, papalots, collections de graphiques de grands maĂźtres, mais aussi, des gĂ©nĂ©rations d’enfants et de jeunes ont assimilĂ© l’engagement individuel et collectif pour la dĂ©fense de causes sociales face Ă  l’autoritarisme du pouvoir politique et Ă©conomique.

Francisco Toledo est nĂ© dans la capitale fĂ©dĂ©rale Mexico le 17 juillet 1940, mais est originaire de par sa famille de l’État de Oaxaca, Ă  JuchitĂĄn oĂč il a grandi. Il a ensuite Ă©lu la capitale historique zapotĂšque Ă  la fois comme domicile et terreau d’inspiration, et y a travaillĂ© inlassablement pour l’enrichir de structures culturelles et artistiques ambitieuses. Dans cette longue liste des rĂ©alisations de Francisco Toledo Ă  Oaxaca, tel un hommage officiel des autoritĂ©s rĂ©gionale et fĂ©dĂ©rale mexicaines, on peut en prendre la mesure :

La diversitĂ© culturelle et l’éducation dans la vision de Toledo

« Les innombrables actions pour diffuser la diversitĂ© culturelle de Oaxaca et de ses peuples originaires ont Ă©tĂ© une partie vitale du travail de Francisco Toledo, comme les diffĂ©rents Prix Maison de CrĂ©ation LittĂ©raire atrribuĂ©s par le Centre des Arts de San Agustin (CASA). De mĂȘme, l’artiste a accordĂ© des dizaines de bourses Ă  des jeunes de l’École Normale Rurale de Tlacochahuaya pour poursuivre leurs Ă©tudes.

Un autre de ses grands projets ont Ă©tĂ© les Ă©ditions de jeux didactiques et de livres Ă  colorier en langues, comme le mixtĂšque et zapotĂšque pour les garçons et les filles, sans oublier la crĂ©ation du Centre d’éducation prĂ©scolaire pour les enfants de San Agustin, Etla. Avec l’UniversitĂ© Autonome « Benito JuĂĄrez » de Oaxaca  (UABJO), il a Ă©galement fondĂ© la BibliothĂšque Francisco de Burgoa, en plus de crĂ©er les Éditions Toledo, les revues Guchachi Reza (Iguana Rajada) et AlcaravĂĄn.

Francisco Toledo – Foto: Jalil Olmedo/ Cuartoscuro

Fonder des institutions pour la rĂ©flexion et la jouissance de l’art

Francisco Toledo a eu la vertu de voir dans les diffĂ©rents lieux qu’il a habitĂ©s des espaces potentiels pour apprĂ©cier l’art et la culture, mais aussi pour rĂ©flĂ©chir sur les problĂšmes qui affligent la sociĂ©tĂ©. L’une de ses premiĂšres contributions Ă  la culture de sa terre fut la Maison de la culture de JuchitĂĄn, oĂč est prĂ©servĂ© un patrimoine archĂ©ologique de plus de 700 piĂšces qui sont sous la protection de l’INAH, site oĂč le dĂ©veloppement culturel et artistique de cette population est encouragĂ©.

L’Institut des Arts Graphiques de Oaxaca (IAGO), fondĂ© en 1988, offre aux habitants de la capitale de Oaxaca l’une des meilleures bibliothĂšques spĂ©cialisĂ©es en art du pays, en plus d’un programme constant d’activitĂ©s. De son cĂŽtĂ©, le MusĂ©e d’Art Contemporain de Oaxaca (MACO), inaugurĂ© en 1992, a Ă©tĂ© promu par le maĂźtre Toledo en collaboration avec la communautĂ© et les autoritĂ©s de cette ville pour montrer l’art actuel en harmonie avec le contexte local.

1996 a certainement Ă©tĂ© une annĂ©e de rĂ©ussite, avec la crĂ©ation de la BibliothĂšque pour aveugles Jorge Luis Borges, qui contient une collection de livres en braille, un atelier permanent d’enseignement de ce langage, des ordinateurs avec des programmes spĂ©ciaux pour les aveugles, soutien aux aveugles et aux malvoyants qui Ă©tudient et bourses d’études aux Ă©tudiants exceptionnels.

La mĂȘme annĂ©e, il fonde le Centre Photographique Manuel Álvarez Bravo comme espace pour promouvoir l’image, un de ses principaux intĂ©rĂȘts, Ă  travers des ateliers et des expositions. Cette enceinte, dĂ©diĂ©e Ă  l’un des photographes les plus renommĂ©s du Mexique, dispose d’une exceptionnelle collection photographique. En 1998, il crĂ©e l’Atelier Arte Papel Vista Hermosa et lance l’initiative de crĂ©er le jardin ethnobotanique de Oaxaca.

Son hĂ©ritage en tant que crĂ©ateur est inestimable, il est considĂ©rĂ© comme l’un des Mexicains les plus importants de notre temps, pour lequel, en 1998, il a reçu le Prix national des sciences et des arts dans le domaine des Beaux-arts. Â»

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Francisco Benjamin LĂłpez Toledo de son nom complet, se considĂ©rait comme plus oaxaqueño que les tlayudas et le mole negro, deux Ă©lĂ©ments clefs de la gastronomie locale : grandes galettes rondes et sĂ©chĂ©es de farine de maĂŻs / sauce mole Ă  base de cacao, piments et graines pilĂ©es. Il commentait toujours : « Je suis nĂ© Ă  Mexico par accident. Â»

De la Jérusalem multi-ethnique à la Babylone moderne

« Rostro de mole », Oeuvre murale rĂ©alisĂ©e avec du mole (sauce Ă  base de cacao, graines et piment) emblĂ©maique de la gastronomie de Oaxaca – Instagram ariste : castelianososcarin / enmolarte

La courbe ci-dessus, extraite de l’Ă©tude de MĂłnica Palma Mora, reprĂ©sente la croissance exponentielle de l’installation d’étrangers, toutes nationalitĂ©s confondues, dans la ville de Oaxaca depuis 1900. L’asymptote commence rĂ©ellement au tournant des annĂ©es 2000. Aux habituels Espagnols, Étasuniens, Allemands et Français souvent citĂ©s, il faut complĂ©ter avec des Anglais, Italiens, Polonais, Lituaniens et Russes pour l’origine europĂ©enne. Rappelons Ă©galement la prĂ©sence constante et discrĂšte de Libanais, Juifs, Syriens et de Chinois.

Certains nouveaux venus sont peu scrupuleux de pertinence culturelle, Ă  l’image des riches Oaxaqueños conservateurs, poussiĂ©reux et souvent radins, peu enclins Ă  promouvoir la scĂšne artistique locale car elle ne correspond pas Ă  leurs codes de valeurs restreintes. ComplĂštement embourgeoisĂ©s, ils vivent Ă  l’abri des zones chics et policĂ©es, au milieu de villages artisanaux, charmants et prĂ©servĂ©s ou dans des bĂątisses anciennes du centre-ville, achetĂ©es bon marchĂ© Ă  une lointaine Ă©poque, parfois non rĂ©novĂ©es et croulantes mais qui prennent invariablement de la valeur.

Coexistent heureusement diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations de peintres, graveurs, sculpteurs pas encore diluĂ©es dans le Bobo Land ou la standardisation postmoderne. Un archipel communautaire et informel, qui rĂ©siste autant qu’il peut contre l’établissement d’une norme sociale, contre l’hypocrite politiquement correct imposĂ© partout et contre l’avĂšnement d’une pensĂ©e unique et vide, de comportements sociaux uniformisĂ©s et lisses. Vestiges hippies, ces personnalitĂ©s novatrices, crĂ©atives et parfois politiquement contestataires constituent le peu d’intellectuels et artistes mĂ»rs encore actifs et crĂ©dibles de la ville, qui continuent de produire (arts plastiques, poĂ©sie, Ă©dition). Alors que les nouveaux riches de toutes couleurs et origines de Oaxaca privilĂ©gient les services (banques et infrastructures touristiques, Ă©ducation, Ă©conomie virtuelle).

Oaxacalifornia

Pour autant, les changement de mentalitĂ© et d’apparence sont de plus en plus flagrants, de Santo Domingo au ZĂłcalo, en passant par Jalatlaco et Xoximilco, ces quartiers de prĂ©dilection pour charrier un tourisme de masse, Ă  la fois beauf et mondain, selon des Ă©vĂ©nements annuels rĂ©guliers, ostensiblement et bruyamment mis en scĂšne dans l’espace public : Dia de Muertos en automne, fĂȘtes de fin d’annĂ©e avec la Noche de rabanos (Nuit des radis) et la fĂȘte de la Virgen de Guadalupe le 12 dĂ©cembre, Semana Santa (fĂȘtes de PĂąques), la Guelagetza (festival de danses traditionnelles) en juin, etc. se succĂšdent Ă  l’annĂ©e dans de grandes vagues humaines. Le tourisme Ă©tasunien, canadien se fait toujours plus sensible, un tourisme de personnes mĂ»res et ĂągĂ©es qui impose un rythmer lent, parfois pesant, parmi la vibration haute et la tonicitĂ© des Oaxaqueños. La ville se vide doucement des Ă©nergies vives plantĂ©es par Toledo et d’autres visionnaires ; les manifestations politiques des populations environnantes dĂ©nonçant les abus et crimes des cartels ou des politiques y sont de plus en plus bannies. Un processus bien connu en France de « faire le mĂ©nage Â» avant la normalisation touristico-commerciale de tant de centres historiques, comme Ă  Montpellier, Avignon, Marseille, Nantes, etc. 

EspĂ©rons que les arbres plantĂ©s, les graines semĂ©es par Tamayo, Toledo et tant d’autres artistes et militants humanistes continuent de croĂźtre et de porter leur fruits ici mĂȘme, Ă  Oaxaca. Cette zone, malgrĂ© l’attaque nĂ©olibĂ©rale massive visible notamment par forte la croissance du parc automobile et des embouteillages qui vont de pair dans une citĂ© coloniale, reste un jardin mystĂ©rieux, magnifique et secret au sud du Mexique. Or le pays tout entier se transforme depuis la frontiĂšre avec les USA en tant que base arriĂšre du nĂ©olibĂ©ralisme nord-amĂ©ricain, en une zone de production bon marchĂ© du dĂ©veloppement d’une Ă©conomie pyramidale et un terrain fertile de l’idĂ©ologie de masse. Ses populations diverses succombent tour Ă  tour aux sirĂšnes du « dĂ©veloppement » matĂ©rialiste qu’est devenu le Mexique au fur et Ă  mesure des prĂ©cĂ©dentes dĂ©cennies, attirĂ©s comme des mouches par le vinaigre, dans cet abĂźme sans fond de l’hyper-consommation dĂ©shumanisante, conduite tĂȘte baissĂ©e et en avant toute par de puissants Étasuniens principalement, mais aussi par de riches canadiens et dĂ©sormais Ă©galement mexicains, complĂštement convertis Ă  l’économie de marchĂ© et au marchandage de nos valeurs Ă©cologiques, sacrĂ©es et humaines.

Tristement on ne peut que constater depuis la fin de la Coronafolie la fermeture de grandes institutions culturelles de Oaxaca, celle du MACO aprĂšs un scandale rendu public de sa gestion des fonds (lire Le MACO, derniĂšres expositions) ) comme celle du MusĂ©e Tamayo et du Théùtre Juarez, en plus de la destruction programmĂ©e de la Casa de Cultura, localement trĂšs populaire. Ces structures qui bĂ©nĂ©ficiaient d’une belle visibilitĂ©, sont souvent abritĂ©s dans de prestigieux sites de l’architecture coloniale. Peu soutenus par l’élite artistique locale, ils sont par ailleurs victimes de l’envolĂ©e des prix de l’immobilie, suscitant dĂ©sormais de nombreuses convoitises pour certainement se convertir en Ă©niĂšmes hĂŽtels de luxe Ă  top roof (terrasse-jardin), en locations Airbnb, en cafĂ©s et salons de thĂ© cosy, en boutiques de dĂ©coration et d’accessoires soo cute and trendy. Cette mĂ©tamorphose du tissu urbain draine un public hipster de publicitaires, commerciaux, communicants, en gĂ©nĂ©ral acculturĂ©s, fascinĂ©s par la pensĂ©e virtualisĂ©e, codifiĂ©e, dĂ©matĂ©rialisĂ©e.

La vie sociale, les interconnexions humaines se dĂ©roule de plus en plus dans les sphĂšres virtuelles, via les smartphones et moins dans la rue e les espaces publics.Cette standardisation transhumaniste, parfois indĂ©cente et pornographique au sens premier du terme, venant de tous les horizons du Monde GlobalisĂ© et de l’Oxydant collectif en particulier, est en train d’anĂ©antir le gĂ©nie et les particularitĂ©s du biotope humain crĂ©olisĂ©, comme Ă  Cuba ou en Colombie.

On ne peut actuellement que se dĂ©soler du fait que de joyeuse JĂ©rusalem Ă  tendance latine, Nouvelle AthĂšnes ou ancienne Marseille – ces grandes villes multiethniques et mythiques Ă  dimension humaine – de bordĂ©lique et gĂ©nĂ©reuse, vivant aux rythme alternĂ©s du soleil, de la lune, aux soirĂ©es enflammĂ©es et aux nuits diamantĂ©es, Oaxaca est en train de se transformer en folklorique, conventionnelle et froide Babylone du XXIe siĂšcle, ou encore en banal parc urbain de loisirs, juste un peu plus authentique, baroque et colorĂ© que Disney World Florida ou Disney World Paris.

Fresque peinte, Jalatlaco, Oaxaca 2022

En espĂ©rant qu’une renaissance culturelle, spirituelle et philosophique saisisse cette ville-monde oĂč le microcosme et le macrocosme, l’aujourd’hui et le toujours savent se cĂŽtoyer et peuvent parfois se lier d’amitiĂ©, ou encore vivre de troublantes histoires d’amour.

 Florent Hugoniot

Oaxaca, le 13 mars 2023

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SOURCES :

https://con-temporanea.inah.gob.mx/Expediente_H_Monica_Palma_num16

https://www.gob.mx/cultura/prensa/francisco-toledo-incansable-activista-y-creador-de-instituciones?idiom=es-MX

https://imparcialoaxaca.mx/la-capital/742943/pasean-estructuras-particulares-en-espacios-publicos-municipales/

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2 commentaires pour Oaxaca street art – mars 2023

  1. « ComĂł a crecido el parque vehicular en MĂ©xico : en MĂ©xico habĂ­a en 2021, 36 miliones de autos privados, suficientes para darle la vuelta a la tierra mĂĄs de 4 veces. Entre 2000 y 2020 aumentaron 248% los autos y 1880% las motos. »

    lo urbano

  2. « Comment le parc automobile a augmenté au Mexique : au Mexique, il y avait en 2021, 36 millions de voitures privées, assez pour faire le tour de la terre plus de 4 fois. Entre 2000 et 2020, les voitures ont augmenté de 248% et les motos de 1880%. »
    El Urbano (profil Internet)

    On aurait tord de considĂ©rer les seuls Ă©trangers comme la premiĂšre cause du renchĂ©rissement de la vie Ă  Oaxaca en 2023. Les prix de l’immobilier flambent du fait de la demande, mais aussi des intĂ©rĂȘts financiers Ă©levĂ©s que souhaite faire la bourgeoisie locale, propriĂ©taire fonciĂšre souvent par hĂ©rĂ©ditĂ©.

    Il faut aussi considérer tout le secteur commercial, et pas seulement touristique, qui profite et parfois anticipe largement les hausses de prix. Ainsi le prix des trajets en colectivos (taxis transports collectif, dans lequel peuvent tenir 5 passagers plus le conducteur, dans un relatif inconfort) qui ont presque triplé en quatre ans, du fait du cartel local des taxis.

    Des ingrĂ©dients traditionnels dans l’alimentation mexicaine, comme le citron vert ou l’avocat, augmentent et baissent irrĂ©guliĂšrement, du fait d’une forte demande extĂ©rieure (USA, Canada surtout) mais aussi d’actions concertĂ©s des grands cartels qui contrĂŽlent ces zones de production et les axes de distribution.

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