Tamaaaaaales !!

Pourquoi déguste-t-on des tamales le 2 février au Mexique? L’explication vient de Día de los Reyes Magos ou Jour des Rois selon le calendrier chrétien, soit le 6 janvier lorsqu’on partage la rosca de Navidad (couronne de Noël). Celle-ci contient une ou plusieurs fèves sous la forme d’un petit bonhomme blanc appelé niño Jesus. Selon une tradition populaire mexicaine,celui ou celle qui en trouve un dans sa part se doit d’inviter toute l’assemblée présente à manger des tamales le jour de Calendario (la Chandeleur). C’est un même 2 février, quarante jours après sa naissance, que le futur Christ fut présenté au Temple selon le rite juif.

Les tamales sont un plat typique du Mexique, leur origine est mésoaméricaine de l’époque préhispanique (entre 800 et 500 avant J.-C). Il se compose d’une pâte de maïs avec différentes garnitures qui est cuite à la vapeur, enveloppée dans une feuille de banane ou dans des feuilles séchées d´épi de maïs. Le mot tamal vient du Nahuatl Tamalli et signifie enveloppé. Les tamales sont généralement consommés salés – il y en a une grande variété – plus rarement sucrés. Il y aurait plus de 500 recettes différentes dans tout le pays, je vous recommande celles qui suivent, elles sont succulentes !

Préparation de tamales rouges et verts le jour de Noël, Durango 2015

Les plus courants sont les tamales à la sauce verte ou à la sauce rouge. Ces tamales allongés enveloppés dans de la feuille de maïs, sont l’un des petits déjeuners les plus populaires des habitants de Mexico. Le tamal (au singulier) de sauce verte est préparé avec de la pâte de maïs et farci avec de la viande de porc ou de poulet et de la sauce à base de tomates vertes avec du piment vert. Avant d’être cuit à la vapeur, il est enveloppé dans une feuille de maïs. La seule différence du tamal de sauce rouge est que la sauce est à base de tomates rouges et piment guajillo.

Les tamales oaxaqueños son connus dans tout le pays. Ce terme désigne presque n’importe quelle taille de tamal enveloppé dans des feuilles de bananier. Il est généralement préparé avec une fine couche de pâte de maïs et est farci avec de la mole, de la sauce rouge ou verte, et comme protéine, on utilise de la viande de porc ou de poulet désossé.  Au Oaxaca, le tamal de mole noir (sauce à base de cacao, piments, graines) est généralement accompagné de chocolat et d’eau. Ils  sont très onctueux et enveloppés dans une feuille de banane, ce qui  leur donne une saveur différente.

Les tamales veracruzanos sont aussi très populaires et richement garnis. C’est un tamal dont la pâte est faite avec des grains d’élote moulus au lait et mélangés avec du saindoux fondu. Il est généralement farci avec de la viande de porc, de la pâte de piment large (chipotle ou morita)et des feuilles d’epazote ou de hoja santa et enveloppé également dans des feuilles de bananier.

Tamales chiapanecos (du Chiapas), présent dans la capitale Mexico et dans les États du centre de la République, désigne un amal de taille rectangulaire, enveloppé de feuilles de bananier et qui est faite d’une pâte fine de maïs, farcie de viande et d’un ragoût de pépins de citrouille ou de mole.

Tamales de chipilín. C’est aussi un tamal originaire du Chiapas, bien que vous puissiez trouver des variations dans les états du sud-est du pays. L’ingrédient principal, comme son nom l’indique, est chipilin, une variété de quelite. Il est élaboré avec de la pâte assez liquide mélangée avec des feuilles de chipilin, du bouillon et du saindoux. De forme rectangulaire et enveloppé dans une feuille de banane. Il est accompagné de sauce jitomate et saupoudré de fromage frais.

Corundas (jarretières). C’est un tamal typique de l’état de Michoacán, les Purépechas (Tarasques) l’appellent khurhúnda. Pour sa fabrication, on utilise de la pâte de maïs blanche, fouettée avec du saindoux, du lait ou de l’eau. Sa principale particularité est sa forme triangulaire, qui est obtenue en plaçant un peu de pâte à une extrémité d’une feuille d’épis de maïs, et en l’enroulant jusqu’à obtenir une forme géométriques avec six côtés et cinq pointes. Ils sont généralement servis trempés dans de la sauce verte ou rouge, du fromage cotija ou vieux, de la crème et parfois des lamelles de chile poblano (piment de Puebla). Il existe d’autres plats où les corundas sont un ingrédient important, comme la soupe sèche et la soupe de corundas.

Zacahuil. Le zacahuil est un tamal traditionnel des régions à population indigène Huasteca. Sa taille est colossale, c’es pourquoi il se cuit directement dans la terre à la braise. Il est servi en petites portions, car un seul tamal peut nourir jusqu’à 50 personnes. Il est préparé avec de la pâte de maïs, du saindoux et une sauce au piment chinois, du pimentcascabel et des épices ; il est farci avec de la viande de porc et de poulet, puis enroulé dans plusieurs couches de feuilles de banane, avant d’être cuit dans un four à bois. Il est généralement accompagné de piments verts cornés.

Tamales de Chaya. Ce type de tamales est commun dans le sud et le sud-est du pays. Par exemple, à Campeche, la pâte est mélangée avec la feuille de chaya et farcie avec un hachis de porc avec des tomates rouges, des olives, des câpres, des oignons, de l’ail et des raisins secs. Il est généralement servi avec de la sauce tomate et des graines de courge grillées et moulue, parfois saupoudré de fromage comme au Chiapas.

Tamales de dulce (tamales sucrés). Aussi connu sous le nom de tamales roses – pour les différencier des salés pendan la cuisson et à la vente  –  ce qui le rend différent de cette préparation est que la pâte contient du piloncillo (mélasse de canne durcie) râpé ou du sucre. Il est généralement servi comme un dessert, et est l’un des tamales favoris des enfants. Dans le centre du pays, on ajoute des raisins ou des morceaux de fruits, ainsi que des épices comme la cannelle. Il est enveloppé dans des feuilles de maïs et cuit à la vapeur. La pâte est généralement teintée avec des pigments roses : aujourd’hui, on utilise des colorants, mais dans l’antiquité, la couleur était naturelles, on l’obtenait à partir d’une espèce de grenouille.

Il y en a pour tous les goûts, bon appétit !!

La fabrication des tamales style duranguense

Voici en images le processus de fabrication des tamales à la main, après que tous les ingrédients soient prêts et ici disposés sur la table. Deux feuilles d’élote (épis de maïs) collées ensemble avec la pâte de maïs servent de support pour garnir, et il faut une certaine dextérité … Les tamales sont cuits à la vapeur, au gaz ou au charbon. Cependant des braises sont nécessaires pour préparer la sauce rouge ou verte piquante qui va accompagner les tamales.

Meri à Ilse et à sa famille, pour leur chaleureux accueil à Durango, à l’occasion des fêtes de Noël 2015 !

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Saveurs christiques des tamales

Le maïs est la base de alimentation mexicaine. Comme la plupart des aliments des cultures mésoaméricaines, les tamales ont certaines valeurs symboliques qui nourrissent les traditions, leur donnant une signification spirituelle et constituant un lien entre les hommes et les dieux. Le maïs a la double dimension de don divin permettant la subsistance des hommes et d’offrande des hommes aux divinités. Il est au cœur de la cosmogonie mésoaméricaine, c’est-à-dire de la représentation que se font les populations de la création et de l’organisation de l’univers.

Par exemple le mot maya signifie aussi « maïs ». En effet, les Mayas s’identifiaient à des hommes de maïs et pratiquaient, à l’aide de planchettes de compression, la déformation crânienne dès le plus jeune âge, pour suggérer la forme d’un épi.

Les Aztèques (ou Mexicas) qui ont succédé politiquement aux Mayas à partir du XIIIe siècle jusqu’à l’an 1521, ont divinisé le maïs sous les traits de Chicomecóatl, déesse de la subsistance et de la végétation ; en particulier celle du maïs, et, par extension, déesse de la fécondité. Les Aztèques croyaient que leurs dieux avaient créés à base de maïs, c’est pourquoi au début de la saison des récoltes, ils leurs offraient divers aliments préparés avec du maïs, dans lesquels les tamales abondaient ; particulièrement en l’honneur de Chalchiuhtlicue (déesse de la fertilité), Tláloc (dieu de la pluie), et Quetzalcóatl (dieu de la lumière, serpent à plumes), pour bien recevoir l’année et attirer les pluies sur leurs récoltes.

Dans l’antiquité centraméricaine, le tamal était mangé par des gens ordinaires, ainsi que par des nobles et des prêtres. Il faisait partie de la vie quotidienne de certaines cultures à l’époque préhispanique, en plus d’être utilisé dans des rituels religieux, des offrandes et des tombes. Les Mexicas mangeaient des tamales avec ces ingrédients : dinde, flamant, grenouille, ail, lièvre, poisson, oeufs de dinde, miel, fruits, courge et haricots.

Avec l’arrivée des Espagnols, les traditions populaires, la symbolique s’est enrichie, les significations religieuses et les habitudes alimentaires ont commencé à changer, pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. Ce sont eux qui ont introduit le saindoux dans la composition de la pâte de maïs.

Tout commence à partir de Noël, où l’on célèbre la naissance de Jésus, continue le 6 janvier avec la visite des Rois Mages qui est le moment où l’on rompt le fil, et culmine Día de Candelaria. Célébrée le 2 février, le Jour de la Chandeleur marque la fin des célébrations de Noël, et c’est à ce moment que s’accomplissent les 40 jours de la naissance de Jésus, et qu’il est présentée au Temple.
C’est pourquoi chaque année, le 2 février, des millions de Mexicains visitent l’église avec leur niño dios prêt à être béni et à commencer à attendre les fêtes suivantes, telles que Pâques et l’Ascension.

En Amérique du Sud aussi, dans les régions andines influencées par la culture maya (Équateur, Pérou, Bolivie, Venezuela, et Colombie), cette céréale tient une place prépondérante dans la vie quotidienne et dans les croyances. Ainsi, la chicha, boisson préparée à base de maïs fermenté, était consommée par les prêtres chamanes dans le cadre de leurs activités spirituelles.

Les origines du mythe des tamales de chair humaine

Le sacrifice de Chicomexóchitl

L’un des mythes mixtecas fait référence à la création du maïs. L’Enfant Dieu, Chicomexóchitl ou Siete Flor (Sept Fleurs ou septième fleur), fut sacrifié par sa propre grand-mère Tzitzimitl. Cette horrible sorcière confectionna  avec la chair de son petit-fils les vingt premiers tamales de la légende et enterra ses os. Avec la tête et du tronc, elle cuisina deux grands tamales. Avec le reste, elle prépara 18 petits tamales qu’elle enveloppa de feuilles de bananier en les nouant avec les brins de manioc pour éviter que la chair ne s’échappe et ne se joigne à nouveau au reste du corps. De la tombe d’ossements de Chicomexóchitl jaillit la première plante du maïs qui germa pour se répandre dans toute l’Amérique avec sept épis, septs variétés (jaune, blanche, rouge, noire, bleue…). L’enfant Siete Flor émergea d’un des sept épis pour punir sa cruelle grand-mère anthropophage et la jeter dans un chaudron brûlant.

Au delà de sa dimension dramatique, ce récit de la création divine des tamales décrit les méthodes d’élaboration et les ingrédients. Plus qu’une recette cannibale, c’est une présentation – certes audacieuse et violente – de la préparation traditionnelle des tamales. Tout cela dans un langage rituel codifié qui permet de transmettre une recette oralement avec précision, car il n’y avait pas de documents écrits.

La légende du violeur de la Huasteca

Une légende mixteca explique que le tamal a été créé quand un violeur aztèque a été mangé par ses victimes. Effectivement, l’abus sexuel contre les femmes était puni dans les temps préhispaniques en exécutant et en mangeant le violeur.  Ainsi serait né le zacahuil (tamal), plat emblématique de la culture Huasteca. Fierté de la gastronomie mexicaine, ce qu’on appelle aussi le tamal géant renfermerait donc une base historique que peu de gens connaissent : la justice administrée par les victimes.

Selon les récits de l’époque préhispanique transmis par des chroniqueurs, il y avait en 1468 un homme âgé qui était envoyé par Moctezuma pour lever le tribut parmi les peuples soumis, mais qui profitait de son pouvoir pour s’approcher et violer de jeunes vierges. L’impunité qui entourait le violeur prit fin lorsque les Mexicas furent vaincus par les Tarasques et que le peuple huasteco put se libérer. Le collecteur impérial de Tenochtitlan fut fait prisonnier, tué et son corps cuit dans un tamal géant dans le sol, sous la braise. Une fois on distribua des portions aux femmes qui avaient été outragées. Celles-ci crièrent joyeusement tlanque cualantli, ce qui signifie en huasteco « le problème est terminé ».

Le sacrifice se répéta avec ses prisonniers de guerre, devenant une tradition des Huastecos jusqu’à l’arrivée des frères catholiques espagnols qui, horrifiés par cet acte de cannibalisme, demandèrent aux villageois de changer la chair humaine en viande animale.

Transcendance et mises en lumière

La légende cannibale des tamales s’est construite au fil des mythes, légendes et récits de la zone centre et sud du Mexique. Tout en gardant sa symbolique forte, le tamal est devenu indispensable dans la gastronomie huasteca et est présent également dans tout le pays, à l’occasion des fêtes de Noël, la Chandeleur, Pâques, mais aussi les moments de joie ou de malheurs. Il n’y pas d’événement religieux, familial ou patronal sans tamales !

Il est intéressant de noter, au fil de l’évolution gastronomico-symbolique du tamal et de son ingrédient sacré le maïs, la persistance de certaines images ou enseignements depuis l’époque mésoaméricaine jusqu’à aujourd’hui, en passant par la liturgie catholique. Ainsi de la continuité entre le niño dios Chicomexóchitl, le niño dios Jesus de la rosca de Noël, des Rois et le Christ. Mais aussi de la nécessité de sacrifice (divin, humain, matériel) afin de conduire à la renaissance, à une forme d’émancipation spirituelle avec l’acte de communion divine chez les croyants chrétiens (ingestion de l’hostie consacrée corps du Christ à la messe dominicale), ou la consommation du dieu maïs au quotidien.

Transgression de l’ordre divin, crimes, châtiments, exécution, sacrifice, déicide, partage du corps, Eucharistie, Jour de la Chandeleur, dévoilement, mise en Lumière, éclipse, disparition et retour du soleil, rythmes cosmiques…

Ces symboles, totems, icônes et rituels religieux soulignent la présence et la manifestation du divin en chacun de nous, bien plus qu’une invitation au cannibalisme ! Ils sont l’illustration de la transcendance et de l’Illumination, lorsqu’on se situe dans la dimension du symbolique et non pas du trivial ou du séculier. Dans le fil de l’analyse un brin provocant de cet aspect mystique des tamales, comment ne pas relier l’acte du partage des tamales, de la pêche miraculeuse ou du corps du Christ à l’enseignement du bouddhisme : trouver en soi-même la force et la sagesse de Bouddha, ÊTRE un Bouddha et trouver l’Éveil et l’Illumination, la paix et la joie EN SOI. Ces mythes, rituels et traditions populaires déroulent chacun selon sa forme une narration, celle de la rencontre du vertical (le rapport au cosmos) et de l’horizontal (les sociétés humaines).

Ou comment l’évolution culinaire du tamal nous fait glisser de la consommation romantisée d’un morceau de Dieu, à celle d’un morceau d’humain, puis d’animal et de végétal, dans une recette délicieuse.

Mais pour terminer sur une note pratique, voici un lien en français pour la préparation des tamales : http://www.bricolesdefille.fr/recette-tamales-mexique/

¡Provecho!

Florent Hugoniot

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SOURCES :

https://relatosehistorias.mx/tamales

https://www.visitmexico.com/blog/tamales-una-tradicion-llena-de-historia

https://www.lescereales.fr/culture/une-cereale-cosmogonique-le-mais

https://soyparrillero.mx/blogs/tips-parrilleros/14-tamales-de-mexico

https://www.directoalpaladar.com.mx/cocina-popular-mexicana/principales-tipos-tamales-mexico

https://www.kiwilimon.com/receta/platos-fuertes/mexicanos/tamales-caseros

https://www.elsoldepuebla.com.mx/doble-via/tamal-con-carne-de-violadores-la-historia-del-zacahuil-en-epoca-prehispanica-7572156.html

https://arqueologiamexicana.mx/tamales

http://www.bricolesdefille.fr/recette-tamales-mexique/

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